Un poème se doit d’être une chose modeste, usée par les intempéries, érodée par le vent. Un poème se doit d’être comme Edgar Poe: « Tel qu’en Lui-même enfin l’éternité le change ». Ce que dit le terme de fûryû par lequel Bashô a défini la chose poétique. Fû comme le vent, ryû comme le courant. Il y a de cela dans les admirables retouches* de Daniel Boulanger, rythmées avec le moins de mots possible. On a dit qu’il avait créé un genre à part entière:
Le silence
buée
du verre d’eau posé sur l’été
L’Echo
Qu’il vienne une voix
le signe d’un mal pareil au mien!
Un caillou tombe de la montagne
et crève l’oeil du vide
*Retouches, les Dessous du Ciel, Hôtel de l’image, A quatre épingles (Gallimard).
Illustration: « Memorial Haiku », photographie de Michael Fox
J’aime votre définition du poème, tout à fait en accord avec la mienne. Quant à Daniel Boulanger, c’est un grand écrivain trop peu lu. Je connais surtout ses nouvelles. Je vais aller voir au plus vite ses « Dessous du ciel ». Merci d’en parler ici…
PAS UNE CHOSE
Le poème ne se doit rien
Ne doit rien
Ne dit rien
Que ce que l’oreille
Réinvente en arôme
Le poème ne s’use pas
Il est le vent
Qui charrie des alluvions
De couleurs boréales
Sur le velours de la nuit