Appelons-la Mélanie. Mélanie est l’idéal-type de la lectrice de magazines féminins à gros tirages. La trentaine, Mélanie est conceptrice graphique ou quelque chose comme ça. Elle rêvait de faire du « développement produit » mais finalement s’est retrouvée dans un de ces studios de publicité où l’on recherche des créatifs avec « high potential ». Son boss l’a incitée à se montrer « orientée sur le client » avec une « réactivité high speed ». Puis il l’a inondée d’exhortations lyriques du genre « Unchain your potential! Unchain your career! » Mélanie a rangé son rouge à lèvre glossy dans la petite poche zippée de son jean, arrangé les écouteurs de son iPod et s’est mise au travail. Toujours est-il que récemment, elle est « rentrée dans le top ten avec son team ». Yes yes yes. Ce franc succès a mis fin à ses symptômes d’hyper-agressivité. Il faut dire que comme ancienne enfant résiliente, Mélanie était carrément hyperagressive. Sur les conseils du coach qui la drive, elle s’est patché. Maintenant elle gère son stress et sa gourmandise sans prise de tête. Au final, elle a un quotidien parfaitement lambda. Comme toute jeune femme bien dans son époque et dans sa peau, Mélanie a défini sa « sun attitude ». Elle reconnaît avoir pour la plage un côté addict. Sa priorité est de « bronzer glamour ». Pour éviter de caraméliser, confie-t-elle, elle applique une crème indice 60 sur son visage, et indice 30 sur son corps. Tous les vendredis soir, Mélanie dévale la rue des Pyrénées avec quatre ou cinq cents adultes en patins à roulettes. C’est « fun ».
Les parents de Mélanie sont comblés, ils viennent d’apprendre que leur fille a trouvé sa moitié. Mélanie est homosexuelle et pacsée. Le couple lesbien envisage l’homoparentalité. L’enfant ne sera toutefois pas privé de présence masculine: les deux femmes ont un copain, Maxime, lui-même homosexuel, qu’elles voient très souvent et qui s’occupera du bébé car il a toujours eu un « désir d’enfant ». Les parents de Mélanie ont tout d’abord été un peu choqués par cette situation; mais ils sont à présent convaincus qu’il faut dépasser ses préjugés et vivre avec son temps. Ils trouvent que tout va bien ainsi. Oui oui oui. Ils sont même allés le dire à la télévision, où leur approbation a été mise en scène avec une certaine insistance dans une célébre émission de realtivi. Cela vaut mieux pour eux a commenté l’animateur, ce qu’a confirmé le « psychologue » présent sur le plateau. C’était une belle soirée de convivance. Avec un gros beau taux de 89% de satisfaction…
Je ne vous dirai pas ce que faisaient Mélanie, son amie et leur copain Maxime le dimanche 6 mai 2007.
Illustration: photographie anonyme
Je présume que le trio était en week-end à Saint-Paul de Vence et n’a pas jugé utile de remonter à temps pour voter : le soleil était si doux, et les toiles si envoûtantes là-bas. Il y a des priorités dans la vie : le « story-board » prévoit une autre élection en 2012 !
Bien vu… l’épilogue! 🙂
Mély n’a pas voté. C’était le jour des soldes privées chez Hermès. Trop excitant. Et puis sa maman lui avait donné l’adresse d’un adorable et génial « petit » cordonnier qui restaure les Tod’s picot par picot. Elle a déposé toute sa collection sur son comptoir. Sa boutique était exceptionnellement ouverte un dimanche matin, juste pour elle. Trop cool.
Et Mély doit être persuadée que si tout cela lui échoit c’est « parce qu’elle le vaut bien… » 😉
Hermès ? Pas sûr. Je la verrais plutôt se rendre à « l’invitation » de Stella Cadente, quai de Valmy (en évitant, pour des raisons esthétiques, de poser le regard sur les gueux allongés sous leur tente), et grappiller deux-trois idées de tenues bariolées – à faire crever un caméléon – pour le môme, chez Antoine et Lily, la boutique à côté.
Puis prendre son Vélib’ , grimper vers la rue des Pyrénées, pédaler vaillamment jusqu’à Gambetta pour s’offrir un éclair au café chez Sucrécacao…