La semaine dernière Envoyé spécial* a levé un voile noir sur les suicides dans le monde du travail. La question est délicate mais bien réelle. Cela fait quelques mois déjà que les colonnes des journaux sont noircies d’histoires, de plus en plus fréquentes, d’hommes et de femmes ayant mis fin à leurs jours sur leur lieu de travail ou en laissant une explication mettant en cause leur employeur. Il y aurait en France 400 suicides par an liés au travail, soit un par jour. Afin de comprendre les raisons de ces actes et de poser la question de la responsabilité du monde du travail, les journalistes ont étudié six cas de suicides récents commis par des employés de Renault, PSA, Sodexho ou EDF. Edifiant, inquiétant. Le reportage s’est intéressé par exemple à ce père de famille de 33 ans, ouvrier de maintenance dans une fonderie de PSA Peugeot Citroën, qui rédige une lettre avant de se suicider, dans laquelle il accuse un chef de « mettre la pression aux professionnels ».
Le bouleversant témoignage de son épouse, minée par la culpabilité, a laissé passer une information qui est entrée en résonance avec les récentes mesures gouvernementales. La jeune femme a avoué que des éléments de leur train de vie avaient peut-être contribué à ce drame: les traites à payer pour l’acquisition de leur pavillon. Ainsi le stress de l’endettement, la crainte de perdre son emploi et la déroute financière qui s’ensuivrait poussent nombre de salariés à travailler plus, à « s’investir » à la limite du supportable pour leur santé mentale et physique. Pour gagner plus, bien sûr, on est prêt à accepter des pressions intolérables de la hiérarchie. En rapprochant ces éléments (et notamment cette pression financière que l’on retrouve au détour de tous les cas de suicides exposés) des mirifiques annonces du gouvernement concernant le crédit d’impôt pour les prêts immobiliers et la réforme des heures supplémentaires, m’est soudainement apparu tout le machiavélisme du projet qui prétend « remettre la France au travail ». Que penser de cette France de propriétaires « qui se lèvent tôt » (quand ils ne passent pas leurs nuits à travailler pour deux des cas présentés) qui, pour échapper à l’endettement (découverts, impayés, arriérés suivis parfois d’expulsions locatives) se livrent corps et âmes à un « management par le stress » parfaitement obscène et délétère?
À bon entendeur…

* »Suicides: le travail peut-il tuer? », reportage de Jérémie Drieu & Cloée Lecomte, jeudi 31 mai, France 2.

Illustration: « A Long Day at Work (Self Portrait) », photographie de David Lesser

  1. Posuto says:

    Pressez le citron, il en sortira toujours du jus…
    Je hais les presses-agrumes.
    (1 « s » à presse et 1 « s » à agrume ? Fichtre, ils sont plusieurs, ils sont partout et peut-être qu’ils nous encerclent)
    Il va donc falloir lutter, lutter plus pour vivre mieux.
    Kiki

  2. gballand says:

    Je crois sincèrement que ce gouvernement veut créer une France de TPMG (tout pour ma G…..), qui se désintéresse complètement du sort de chacun, alors que l’on aurait besoin d’une France plus solidaire qui ne soit pas une fabrique à exclusion…
    Et quand je pense que « l’autre  » court toujours… il doit avoir « des petits singes dans le grenier » comme on dit en portugais pour signifier que quelqu’un est fou !

  3. Les citrons commencent à se lasser et même prennent la tangente. Problème. Comme disait, avec une autre image, le regretté Baudrillard: « Si le troupeau ne veut plus brouter, comment faire son beurre? » 😉

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Patrick Corneau