Comme tout le monde, je connais ce qu’on appelle bêtement la Côte d’Azur. Quel est le chef de rayon qui a inventé cette appellation? Si on le connaît qu’on le décore: il avait le génie de la médiocrité. Notre pays est en toute saison traversé par le fleuve de Parisiens, de Belges, d’Anglais et d’Esquimaux qui va se jeter en Méditerranée. C’est un Mississipi qui déborde en une Louisiane de marais, de crocodiles et de crapauds-buffles. Sur la côte, on débite l’azur comme un thon. Pas une dactylo d’Anvers, de Roubaix ou de Glasgow qui ne rêve de faire sa cocotte et sa grande coquette en en bouffant une tranche. On arrive et on se fout à poil.
Rien de commun avec le vrai pays. Certains jours d’été, c’est pire que les abattoirs de Chicago. Sur quarante kilomètres de longueur, que dis-je: sur cent kilomètres et plus de longueur, on a mis à sécher de la viande humaine. C’est une extraordinaire usine de pemmicans. On se demande quel monde de trappeurs et d’anthropophages elle fournit. Il y a de la jeune femme, de la vieille, de l’athlète, du comptable, de l’ouvrier, du lord et de la grandeur; des seins, des fesses, du rond-de-cuir, de la lombe et du cinq à sept. On peut choisir si on aime ça. Quelle nourriture! Somme toute ce sont des abats.
Mais il y a un dieu pour les pays comme pour les ivrognes. Tous ces gens-là s’imaginent être en bonne santé parce qu’à force de s’exposer au soleil ils ont la peau couleur de pain brûlé. Heureusement, il n’en est rien. Ils viennent ici choper cancer, goutte militaire, tuberculose et nostalgie purulente (qui ne pardonne pas). Jean Giono, Arcadie*… Arcadie…, 1953, Editions Gallimard.
Oui, je sais… ça sent le coup de colère du romancier régionaliste mal embouché, retranché dans son terroir, ses oliviers et ses cigales! Mais… bon, ça fait mouche (et pas une ride quand on voit ce que sont devenus les rivages de la PAC…).
*Selon l’encyclopédie Wikipedia, l’Arcadie « est une région de la Grèce qui, dans la poésie bucolique latine et hellénique, était représentée comme le pays du bonheur, le pays idéal. La poésie antique, comme Virgile dans les Bucoliques ou Ovide dans les Fastes, décrivait l’Arcadie comme un lieu primitif et idyllique peuplé de bergers, vivant en harmonie avec la nature. Par la suite, l’Arcadie est restée ce symbole d’un âge d’or, un monde riant où les pastorales constituent le principal divertissement musical ».
Illustration: la plage de Saint Raphaël, photographie par Yann Arthus-Bertrand
Et encore… il a échappé aux camping-cars diesel, aux parasols orangina, aux scooters des mers, aux Ray Ban sarkoziennes, aux tongs grisâtres… (non exhaustif)
J’ai reconnu la plage, près de Saint Aygulf…quand j’y passe c’est en plein hiver, cette plage est vide et les baraques à frites sont closes, il y a une drôle d’ambiance d’abandon….mais alors qu’est qu’on mange bien dans le coin, soupe de poisson et tomates farcies, une très bonne cuisine provençale et surtout on apprécie d’autant plus quand on est presque seul dans la salle de restaurant, c’est un vrai voyage loin des foules…incroyable non?