DSC03524ferli16Dans un récent article* paru dans la Revue des Deux Mondes (numéro cité précédemment), Robert Kopp a montré que la doctrine de l’homme naturel, qui est le fondement de la politique et de la pédagogie chez Rousseau, est à l’origine du pédagogisme d’aujourd’hui et du politiquement correct. Politique qui, rappelons-le, préfère les exceptions à la règle, les minorités à la majorité, l’horizontalité à la verticalité. D’où une culture de l’euphémisme qui, poussée à l’extrême, fait de n’importe quelle contre-vérité une vérité bonne à nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Une entrave à la liberté de penser qu’avait prophétisée Tocqueville, avec une cruelle lucidité, en nous avertissant que l’Amérique était la préfiguration de l’Europe :

« Je ne connais pas de pays où il règne, en général, moins d’indépendance d’esprit et de véritable liberté de discussion qu’en Amérique. […] la majorité trace un cercle formidable autour de la pensée. Au-dedans de ces limites, l’écrivain est libre ; mais malheur à lui s’il ose en sortir. Ce n’est pas qu’il ait à craindre un autodafé, mais il est en butte à des dégoûts de tous genres et à des persécutions de tous les jours. La carrière politique lui est fermée: il a offensé la seule puissance qui ait la faculté de l’ouvrir. On lui refuse tout, jusqu’à la gloire. Avant de publier ses opinions, il croyait avoir des partisans; il lui semble qu’il n’en a plus, maintenant qu’il s’est découvert à tous; car ceux qui le blâment s’expriment hautement, et ceux qui pensent comme lui, sans avoir son courage, se taisent et s’éloignent. Il cède, il plie enfin sous l’effort de chaque jour, et rentre dans le silence, comme s’il éprouvait des remords d’avoir dit vrai. »
Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, livre I, tome II, chapitre VII. « Du pouvoir qu’exerce la majorité en Amérique sur la pensée ».

* Robert Kopp, « Rousseau, le père du politiquement correct ».

Illustration: photographie ©Lelorgnonmélancolique.

  1. Célestine says:

    Le politiquement correct est une gangrène qui envahit les démocraties et les transforment insidieusement en dictatures.
    Et il n’est rien de pire qu’une dictature masquée sous des dehors démocrates.
    La pensée unique me fatigue et m’ennuie en ce sens qu’elle est prévisible et ne laisse aucune place à la fantaisie de l’âme. Elle de plus, elle a engendré de véritables monstres sémantiques, privant de bras le bon sens commun, car que faire contre la « discrimination positive » la « croissance négative » et autres « personnes à mobilité réduite » ? Comment endiguer ce gloubiboulga d’expressions alambiquées et bienpensantes, dont l »éducation nationale est particulièrement friande, un sabir imbuvable et creux que j’ai supporté depuis des années, et que je supporte encore, mais de moins en moins…
    Bien à vous et merci de me permettre de me lâcher un peu…
    ¸¸.•*¨*• ☆

  2. serge says:

    Hier, dans le bus, un jeune des quartiers issu de la diversité et de l’immigration post-coloniale qui effectuait un service civique en réparation de quelques incivilités qu’il aurait commises, m’a cédé sa place.
    Je voulais vous faire partager ce moment.

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Patrick Corneau