ferliprotsAprès nous être informé sur le cheval, passons à sa plus noble conquête, je veux dire la femme. Voyons ce qu’en dit la prose altière, précise et bon enfant de Vialatte.
« La femme remonte à la plus haute antiquité. Elle est coiffée d’un haut chignon. C’est elle qui reçoit le facteur, qui reprise les chaussettes et fait le catéchisme aux enfants.
La femme se compose essentiellement d’un chignon et d’un sac à main. C’est par le sac à main qu’elle se distingue de l’homme. Il contient de tout, plus un bas de rechange, des ballerines pour conduire, un parapluie Tom Pouce, le noir, le rouge, le vert et la poudre compacte, une petite lampe pour fouiller dans le sac, des choses qui brillent parce qu’elles sont dorées, un capuchon en plastique transparent, et la lettre qu’on cherchait partout depuis trois semaines. Il y a aussi, sous un mouchoir, une grosse paire de souliers de montagne. On ne s’expliquerait pas autrement la dimension des sacs à main.
A peine sèche, le coiffeur l’enferme au fond de sa cave. A côté de vingt-cinq autres femmes. Sur des fauteuils. Toutes immobiles. Comme des poupées. Comme des momies. Dans un drap blanc. On peut les voir par un soupirail: mauves ou vert Nil, parfois même vert pistache, dans un éclairage au néon. On dirait des mortes dans leur tombe, c’est un sous-sol de science-fiction. Tout le long de cette chambre des supplices, elles sont coiffées jusqu’au menton de casques gaulois reliés à des souffleries par un système de tuyauteries qui s’apparente aux tubulures de l’hélicon. Dans cet attirail scientifique, elles ressemblent à s’y méprendre à des scaphandriers, à des ordinateurs, à des Martiens, à des contrebasses, au réduit du chauffage central. On dirait des mégathériums branchés sur des sarrussophones. On croit avoir épousé une jeune fille, on s’est marié à un alambic.
Pour le poète André Berry, qui voit en elle un animal métaphysique, c’est une chèvre qui a fait sa première communion. »
Alexandre Vialatte, in « Histoire des femmes », Dernières Nouvelles de l’homme, Julliard, 1978.

Illustration: Étonnamment nous n’avons pas trouvé d’illustration représentative du sujet traité; la femme vialattienne échappe à toute représentation visuelle – comme le dieu de Mahomet elle est « sans forme ni représentation, en dehors du temps et de l’espace, infini(e) donc insaisissable par l’entendement de l’homme ». Nos fidèles lecteurs, voudront bien nous excuser pour ce manque.

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Patrick Corneau