« Non, non, non, ce n’est pas la misère qui crée cette chienlit. C’est la décivilisation, la prolétarisation, l’effondrement des exigences envers soi-même, la clochardisation, oui, mais pas du tout du fait de la pauvreté, du fait du dévergondage, dévergognage, de l’abdication de toute vergogne. » Renaud Camus, Parti pris, Journal 2010 (p.305)

Allons plus loin, ce n’est pas la pauvreté, c’est la richesse – non pas au sens richesse personnelle, mais au sens d’état-providence, de société d’abondance. A quoi bon se priver, puisque tout est disponible et remplaçable? A quoi bon maintenir une certaine tenue, une certaine retenue, une certaine sobriété, puisque tout est là, que l’on peut casser, jeter, que tout sera remplacé? La réponse est donnée par Renaud Camus plus loin dans son Journal:

« L’histoire de la démocratisation, on l’oublie trop, est celle de la commercialisation. » (Parti pris, p.345)

En d’autres termes, ce que nous vivons, ce serait les « délices de Capoue à l’ère industrielle ». Un énième épisode de décadence sur une pente faite de déréliction et de non-sens: « manger sans vraie faim, boire sans vraie soif »… Le siècle dernier nous montre qu’il ne peut y avoir d’urbanité, de dignité, de discrétion, de renoncement (!), risquons le mot: de grâce (j’allais dire de « sprezzatura »), bref de civilisation dans un monde où tout est donné ou à vendre, où tout a la valeur de ce qu’il paraît, n’est que formatage et nivellement des êtres. Faut-il regretter l’abondance pour « l’homme masse » du philosophe José Ortega y Gasset? Déplorer la démission des « minorités exemplaires »?

Illustrations: photographie de Martin Parr / extrait sonore de l’émission « Répliques » d’Alain Finkielkraut du 23 juillet: « La révolte des masses d’Ortega Y Gasset » avec Bérénice Levet, docteur en philosophie et Yves Lorvellec, agrégé de l’Université et docteur en philosophie, Conseiller des Affaires étrangères.

  1. gmc says:

    rien de bien neuf, n’en déplaise à mister camus^^

    http://youtu.be/-GC4ByJCbh8

    « …I was lost in a valley of pleasure.
    I was lost in the infinite sea.
    I was lost, and measure for measure,
    love spewed from the heart of me.
    I was lost, and the cost,
    and the cost didn’t matter to me.
    I was lost, and the cost
    was to be outside society… »

  2. racbouni says:

    Il n’y a plus trop à s’inquiéter de cela : la crise économique qui nous tombe sur la gueule va vite nous rappeler le sens de quelques mots : rareté, violence, conquête, courtoisie !

    Il est drôle que ceux qui se lamentent de ce dévergognage soient toujours des gens qui ne manquent de rien !

    je vous annonce la création d’in Partibus site de poètes rassemblés

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Patrick Corneau