« When I was young, I admired clever people. Now that I am old, I admire kind people. »
Abraham Joshua Heschel (1907–1972)

« L’intelligence complète, équilibrée, féconde est un cas tellement rare: l’effort que l’homme accomplit pour s’élever sur les degrés de l’intelligence est telle­ment douloureux, tellement désespéré; les dom­mages qui naissent d’une intelligence incomplète sont tellement plus grands que ceux qui peuvent dériver d’une stupidité sincère et pacifique; un doute naît peu à peu sur la valeur effective, sur l’uti­lité de celle-ci tant homer.1290082828.jpgdécantée, tant soupirée. L’ardeur même, l’ambition que l’homme dépense dans la recherche de l’intelligence ne sont-elles peut-être pas une preuve persuasive que l’intelligence est une condition contre-nature, inhumaine? Plus que tout, l’homme désire ce qu’il ne possède pas, qu’il ne peut pas, qu’il ne doit pas posséder. Et parmi les choses que l’homme désire, amour, santé, richesse, hon­neurs, l’intelligence n’est-elle la principale, la Grande Désirée? La stupidité, de son côté, la pauvre, l’outragée, la chère stupidité est celle à laquelle s’adresse le véritable, le spontané, le durable amour de l’homme. S’il est licite de prendre par exemple le dualisme amoureux de ces crétins qui peuvent être tentés et qui, bien qu’ayant une femme, s’offrent le luxe d’avoir aussi une maîtresse, nous dirons que, même dans la métaphysique, l’homme divise son affect en intelligence (maîtresse) et stupidité (femme et, dirais-je mieux, « épouse », car jamais étymologie ne tombe autant à propos). De toutes les déceptions de l’intelligence, caprices, perfidies, trahisons, dépenses (car elle coûte cher cette maîtresse de luxe), c’est elle, la bonne, la magnanime stupidité qui nous console. C’est elle, la patiente, la très fidèle, qui, après toutes les erreurs, tous les empoisonnements de la jeunesse prolongée, nous attend pour partager une idylle très douce, la paix de nos vieux jours. »
Alberto Savinio, « Amour caché » et « Rappel« , L’encyclopédie interminable*, traduit de l’italien et préfacé par Gérard-Georges Lemaire, Bourgois, 1999.

Lus à quelques jours d’intervalle, ces deux textes m’ont paru entrer en résonances, se compléter, peut-être s’éclairer (même si je ne cautionne pas d’emblée l’équation ou le rapprochement sympathie/stupidité, et encore moins stupidité/ »épouse »…). A un certain niveau de profondeur, les cultures se rejoignent, et les sagesses aussi dont les racines s’entremêlent: ici juive et latine…

* »Le monde selon Savinio »: une présentation de ce magnifique dilletante par Angelo Rinaldi dans le Nouvel Observateur (01/07/1999).
Illustration: d’après Matt Groening, créateur de Homer J. Simpson.

  1. Natacha S. says:

    Texte intéressant, mais bousillé par les comparaisons idiotes.
    Cela m’arrive souvent: suivre un auteur de près, puis me casser le nez sur un lieu commun, idée toute faite. Alors, je laisse tomber.
    Trop ridicules, ces citations qui ne tiennent qu’extraites de leur contexte.
    Je trouve aussi que c’est un peu court d’y voir sagesse juive et latine.
    Bref, aujourd’hui, je ne suis pas du tout d’accord avec vous, mais merci quand même d’avoir offert cette lecture!

  2. Rodrigue says:

    Je pense qu’il existe vraiment deux formes d’intelligence (je crois que la racine de ce mot est « relier »): l’intelligence formelle, théorique, mathématique, bref celle qui aide à apprendre, à raisonner dans l’abstrait, et l’intelligence du coeur, qui elle, s’attache au plaisir et la paix des rapports humains dans un mariage équilibré de générosité et d’intérêt égoïste bien compris. Le dernier livre de Camus, laissé inachevé, traite de cela chez sa mère. Et je trouve très singulier que cette forme d’intelligence disparaisse! Cioran disait quelque chose d’assez amusant comme « entre le sommet de la sagesse et l’idiotie, il n’y a finalement qu’une seule différence: l’un est déjà arrivé dès sa naissance là où l’autre ne parvient qu’à la fin de sa vie ».

    J’approuve totalement! 🙂

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Patrick Corneau