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Tout ce que vous n’avez jamais su sur Jean Caves. Ce qui serait intéressant, mais c’est une gageure, ce serait de réussir à créer les silences d’une vie avec des mots. De tous les mots Jean Caves préférait ceux qui sont écrits en marge; de tous les  caractères d’imprimerie, il préférait les points de suspension.

Apparition de Jean Caves: à Paris en 1898, né sous le signe du Verseau. Il n’en est pas moins breton, attendu que ses parents l’étaient et qu’il fut élevé en Bretagne à partir de l’âge de deux ans. Etudes à Saint-Brieuc où il se lia d’amitié avec Louis G.

Portrait: les portraits que l’on possède de lui montrent une expression indéniablement boudeuse, entre ennui et dégoût. Plus qu’un trait physique, une position existentielle.

Rêve à l’adolescence: vivre à Castelgandolfo, au bord du lac, et y jouer du piano à quatre mains avec le pape.

Couleur: aucune car les aimant toutes. Pourtant, n’aimant pas les séductions faciles et les rutilances de surface, il fit l’éloge du gris chez les peintres où sa « fadeur » suscite le « frémissement d’une émotion intime ».

Goût: Jean Caves écrivit un brillant ouvrage sur les problèmes que pose l’esthétique issue de la culture occidentale et dont la dernière section est consacrée à l’analyse de la notion de goût. Sa lecture ne permet pas d’en inférer quels étaient les siens.

Musique: avouait y être sourd, au point de n’avoir évoqué dans son œuvre que la zarzuela, ce genre mineur de la musique espagnole qu’affectionnait tant Franco.

Rituel: tous tournent autour du choix, de son impossibilité « parce qu’on ne peut vouloir que le parfait. Et celui-ci étant inaccessible, il vaut mieux ne rien vouloir » déclarait Jean Caves. D’où de nombreux rites relevant du non-agir pour l’exorciser: procrastiner, oublier, s’absenter, atermoyer, balancer, renoncer…

Terres: les pays méditerranéens où le soleil donne à toute chose des contours précis, symbole de l’exactitude.

Aventure: aucune, par manque d’audace ou de courage – excepté dans la création. Préférant le voyage où il voyait une forme de l’ascèse puisqu’il nous force à rompre toutes nos habitudes.

Livres: généralement occupé à des lectures insolites comme a témoigné un de ses anciens élèves: « On savait qu’il avait lu tout ce que les Anciens ont pu écrire des chats, ou de sujets de semblable importance ». Il avouait ne lire que ce qui donne envie d’écrire tout en reconnaissant que « Lire m’encombre, écrire me délivre. » Il écrivit une Célébration du miroir pour l’éditeur Robert Morel à Forcalquier ainsi qu’un livre intitulé Prières.

Amis: en a eu beaucoup et parmi les personnalités les plus prestigieuses du monde des arts et des lettres du XXe siècle. A quelques intimes il confia: « J’essaie d’être mon ami après avoir réussi à être mon ennemi. »

Aversions: si possible aucune car elles nous font dépendre des choses et des autres autant que l’amour.

Passions: si possible aucune car elles nous font dépendre des choses et des autres autant que la haine.

Travail: en dépit des titres dont il aurait pu s’enorgueillir et des postes qu’il occupa, Jean Caves ne ressemblait en rien à un professeur, en ce sens qu’il ne cherchait nullement à faire partager ses certitudes, mais simplement à communiquer sa curiosité et à éveiller les esprits, ce qu’il réussit admirablement avec Albert C.

Philosophie: contenue dans la lettre S ou plutôt « Les trois S désirables: le silence, le soleil, la solitude. »

Pseudonyme: c’est sous celui de Jean Caves que J. G. signa ses premiers écrits. Dans les dernières notes de ses Carnets (1944-1971), il avait écrit: « Caves. Réserve de liquides, cachette possible, réserve de bois. Sa fonction secondaire est la cachette. Difficulté d’accès par escalier obscur mais solide. »
L’escalier (qui permet d’aller de la cave au grenier) fut le dernier texte qu’il écrivit pour La N.R.F. Il y travaillait encore quelques jours avant sa mort en mars 1971.

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Illustration: « Restoring faith » photographie de S. Amo/Flickr (haut), « Faith restored » photographie de Daniel Y. Go/Flickr (bas)

  1. Jean Caves (parent lointain de Jean Traves) doit être célébré à juste titre, d’autant qu’il fut publié chez Robert Morel, cet éditeur de petits livres carrés adorables.

    Je possède quelque part, dans cette collection, « Le bien rêver » de Marcel Béalu (parent lointain de Marcel Biscuit).

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Patrick Corneau