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Mozart, le blues et les papillons noirs de la mélancolie…

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Dans Vertigo (Sueurs froides, 1958) d’Hitchcock, John Scottie Ferguson (James Stewart) qui souffre d’une mélancolie chronique après le « suicide » de Madeleine, sa maîtresse (jouée par la glaçante et glacée Kim Novak à l’austère chignon spiralé), se voit proposer (sans succès) par la chaleureuse Midge, sa bonne amie, de faire disparaître ses « papillons noirs » en pratiquant une thérapie musicale à base de Mozart…

Le maître du suspense donne ici dans ce qui est devenu un poncif*. Certes il y a chez Mozart des mouvements empreints d’une jubilation puissamment communicative. Pourtant certaines arias expriment une mélancolie sans pathos qui n’a rien de triste, presque gaie même. Nietzsche a saisi admirablement ce « gai désespoir »: « L’esprit de belle humeur ensoleillée, de tendre légèreté de ce Mozart, dont la gravité respire la douceur et non point la terreur. » Et Cioran, comme toujours, trouve le mot juste: « Il y a dans Mozart le souvenir d’un autre monde, de quelque chose dont notre mémoire, à nous autres, ne garde plus aucune marque. »

Alors à ceux qui verraient voleter autour d’eux des « papillons noirs », je recommande tous les matins quelques mesures de la sonate n°15 en do majeur K545 interprétée par Glenn Gould (Sony Classical, 2002), interprétation pleine d’énergie (les puristes n’aimeront pas, tant mieux):

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Le soir, si vous sentez vos épaules se courber sous « tout l’effrayant de qui est » comme disait Montherlant, il sera bienvenu de solliciter la note bleue de Keith Jarrett (« Blues », Paris Concert, ECM, 1990):

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La musique est une chose étrange: entre deux notes de musique, il existe un intervalle, là se trouve la ligne de mystère et de feu qui est la respiration du monde. Certains compositeurs ou interprètes ont le pouvoir de nous le rappeler. Dans un nuage de papillons multicolores

*En 1974, le professeur Tomatis, spécialiste en oto-rhino-laryngologie, déclarait lors d’un colloque à Paris que l’audition régulière de concertos pour violon de Mozart était propre à soulager troubles du sommeil et dépression.

  1. gmc says:

    OXYGENE PUNK

    L’imaginaire du rock’n’roll
    A inventé pour les sourds
    Un langage nommé Mozart
    Comme il a créé pour les aveugles
    Un dialecte appelé peinture
    L’imagination des guitares électriques
    Ne plait pas toujours
    Aux amateurs de contes
    Et légendes contemporaines
    Qui collectionnent les oeuvres
    Sans reconnaître la saveur
    De l’instant qui les voit naître

  2. oceania says:

    Les blancs entre les lignes,
    inouï reçu à notre propre profondeur.
    Intervalle, respiration suspendue,
    écrin des notes adamantines.
    Du silence la parole peut naître sacrée.
    Non galvaudée.

    Extrait :
    « Vous connaissez sans doute les sonates de Beethoven pour piano et violon, interprétées par Clara Haskil et Arthur Grumiaux. Je ne sais s’il existe plus parfait dialogue d’amour. Chacun prend sa place en soulignant la place de l’autre, chacun est un creux pour que l’autre vienne s’y étendre, il épouse les formes de l’autre et ne tient et n’élève la voix que parce que l’autre, loin de se cacher dans le convexe qui le définit, devient le concave de l’autre. Ils se suivent, ils s’approchent, ils se caressent, ils se soutiennent. Le piano s’entend encore quand le violon a repris et le premier n’a d’autre soin en jouant que de faire déjà entendre le retour du second. Jamais ils ne se séparent, le dire de l’un n’est que préparation au dire de l’autre, à sa mise en valeur, à sa meilleure présence, à sa plus grande beauté. L’un et l’autre sont tellement singuliers, à la pointe du meilleur d’eux-mêmes, que la singularité de l’autre n’a que s’y lover. Chacun dispose de l’autre, parce qu’il se dispose à l’autre. Écoutez les mêmes sonates interprétées par Casadesus et Francescatti. Deux virtuoses incontestables. Tout est parfait, mais l’essentiel fait défaut, comme si chacun semblait jouer pour lui-même. L’autre version est celle de l’amour, celle de la voix qui ne retient pas, qui donne parce qu’elle est à sa plénitude, entièrement du corps entier par l’âme qui anime. »

    François Roustang
    In, « La fin de la plainte »

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Patrick Corneau