Patrick Corneau
Dans la vie il y a des plaisirs coupables parfaitement avouables : je prends un plaisir certain* à regarder la série Virgin River sur Netflix. Plaisir à voir se ramifier sans cesse une histoire toujours menacée de conclusion, invariablement rouverte sur une multiplicité de possibles, de bifurcations et de développements.
Le « pitch » : elle s’appelle Melinda mais on la surnomme Mel. Elle est infirmière et a fui Los Angeles après un drame personnel. Lui, c’est Jack. Vétéran de la guerre en Irak, il est désormais patron du restaurant de la petite bourgade de Virgin River, au nord de la Californie. Il est célibataire, l’âme et le corps pas mal cabossés, parfois sombre, bricoleur, d’une droiture irréprochable et le cœur sur la main, bref : terriblement sexy. Entre Mel et Jack, l’amour est en embuscade. Mais parviendront-t-il à avouer leurs sentiments dans une ville où tout le monde se connaît et cancane ? On l’a compris, ça dégouline de bons sentiments: caramel, sucre glace, barbe à papa, guimauve, loukoum… ce n’est pas une série mais un magasin de sucreries ! N’empêche, on est scotché et c’est le cœur palpitant qu’on attend la conjonction des cœurs et plus si… sous l’œil ronchon mais bienveillant d’un vieux médecin de campagne, Doc Vernon (spécimen vaillant d’un hétéro-patriarcat en déshérence) dont Mel est l’assistante (elle est aussi sage-femme). Tout le monde est beau (sauf quelques « méchants »), des carrures supérieures avec des statures impressionnantes (pas d’obèses), sourit d’une oreille à l’autre en révélant de jolies dents et est joliment habillé sportswear-chic The North Face. Il y a bien quelques coups bas mais toujours portés au nom du Bien, autrement dit d’une très américaine morale puritaine.
Je m’arrête là, ce concentré d’Amérique profonde (nimbé d’un léger voile de trumpisme) où défilent tous les types humains (beaucoup de femmes assez castratrices et des hommes plutôt chancelants, indécis, sur la défensive), l’air de rien titille en nous quelques sentiments fleurs bleues cachés dans notre ADN.
Il se pourrait bien aussi qu’il contamine notre algorithme cinéphilique pour l’éternité : il ne faudra pas se plaindre des nanars que l’on avalera par la suite… mais comme disait Alfred de Musset, peu importe la « saison », pourvu qu’on ait l’ivresse !

On peut aussi regarder sur Netflix dans un genre très différent l’excellent Marriage Story (avec Scarlett Johansson) de Noah Baumbach ainsi que la 9eme saison de Suits avec l’inénarrable Meghan Markle, reine du blabla people, et lire en complément GOOD GIRL l’analyse drôlissime et percutante de Marin de Viry parue dans La Revue des Deux Mondes Juillet-Août 2021.

* Certain(e)s pourront être étonné(e)s de la disparité, pour ne pas dire l’abysse, entre les sujets abordés d’une chronique l’autre, mais le Lorgnon se méfie du monolinguisme culturel de la belle âme en sa posture « sans pareil(le) » : tous les sujets et tous les goûts sont dans la nature ! Seul compte la sorte de regard que l’on porte…

Illustrations : Alexandra Breckenridge (Melinda « Mel » Monroe) et Martin Henderson (Jack Sheridan) acteurs principaux de Virgin River série télévisée américaine dramatique développée par Sue Tenney (basée sur les romans Virgin River de Robyn Carr) diffusée depuis le 6 décembre 2019 sur Netflix.

Prochain billet en septembre sauf exception.

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Patrick Corneau