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Comme une feuille de thé à Shikoku – Sur les chemins sacrés du Japon

Ici les lectures se suivent mais ne se ressemblent pas toujours…
Aguiché par le titre de ce livre qui trônait dans la vitrine de mon libraire et curieux de toute japonaiserie, je l’ai acheté et lu. Mal m’en a pris, je suis tombé sur une japoniaiserie

Malheureux qui, comme Marie-Édith Laval « a fait un beau voyage, et puis est retourné, plein d’usage et raison » pour écrire un livre parfaitement inutile. Car l’expérience d’un pèlerinage – Shikoku ou Compostelle peu importe – si elle est autre chose qu’une randonnée touristique, est de l’ordre du vécu intime, de l’expérience profonde et ne se transmet pas. C’est une métanoïa qui relève de l’indicible – à raison justement de sa force et de son authenticité. Sinon cela donne ce livre qui navigue entre l’ennui et le soporifique, entre le « blabla » illuminé de la spiritualité bas de gamme (M. Ricard, C. Singer) et le « chichi » formaté des produits dits de développement personnel ou d’auto-aide. La tonalité « ravi de la crèche » des ébahissements successifs de Marie-Édith Laval sur sa progression spirituelle sont à la fois touchants et ridicules, ils participent d’une sorte d’auto-hypnose qui devient vite suspecte et décrédibilise l’ensemble de sa démarche. Difficile d’échapper à l’avertissement pascalien du « qui veut faire l’ange fait la bête ». Surnagent de ce naufrage d’écriture boursoufflée de (trop) bonnes intentions et de platitudes paysagères quelques remarques assez conventionnelles sur le Japon et les Japonais ainsi que des citations pas trop mal choisies. 
Hélas, on voit bien qu’il s’agit d’un livre configuré pour répondre sinon à un marché florissant, sûrement à une détresse occidentale en mal de placebo pour dorloter ses états d’âme. Cette demoiselle a donc le sens de l’à propos (ce que confirme son blog).
Si vous voulez lire un récit de pèlerinage, relevant lui, de la seule littérature, lisez Édith de La Héronnière et son délicieux La ballade des pèlerins (Mercure de France, 1993, Éditions Sellerio, 2005) ou ce voyage vécu comme un pèlerinage intérieur qu’est l’admirable et indépassable Ecuador de Henri Michaux. Il apparaît que le « mentir-vrai » de la littérature est plus enrichissant que faux « dire-vrai » du pèlerin-randonneur.

Comme une feuille de thé à Shikoku – Sur les chemins sacrés du Japon de Marie-Édith Laval, Le Passeur Editeur (2015), Le Livre de Poche.

Illustrations: Photographie Florence Brochoire / Le Livre de Poche.

 

  1. pascaleBM says:

    J’aime bien que l’on dise de temps en temps ce qu’il ne faut pas lire, et pourquoi. Ça fait de la place… N’empêche, ils sont forts ces éditeurs, même vous, aguerri et prévenu, vous êtes laissé avoir par un titre….
    Je peux suggérer une remarque d’un autre genre, puisque du livre il ne sort rien? Pas de « s » à « placebo » même au pluriel. Je sais bien que c’est devenu grammaticalement un nom, mais il y a des noms invariables, et celui-ci qui est quand même un verbe, et au futur, et en latin, et à la première personne du sing. ne mérite pas ce crochet-là. D’autant que l’italique en marque bien le caractère « infiltré ». Et là j’ajoute, mais n’y parviens point, le petit bonhomme jaune….

  2. Karl Ove says:

    Cher Patrick Corneau, auteur de ce blog,

    Tout ce qui est excessif est insignifiant.

    Ainsi en est-il, j’en ai bien peur, de votre prose si teintée d’acharnement à détruire ce livre (que j’ai personnellement adoré) et de fiel quant à son auteure (absolument délicieuse, humble et disponible en salon), que je me demande bien ce qui a pu vous chambouler à ce point.
    Une frustration peut-être.

    Car cette jeune auteure semble pourtant avoir un certain succès, et de la reconnaissance puisque je vois que son livre a déjà été traduit dans plusieurs pays, dont l’Allemagne et le Japon.

    Que vous n’ayez pas apprécié ce livre et que vouliez le partager, libre à vous, bien entendu, mais votre attitude n’est pas digne d’un gentleman, encore moins d’une personne réfléchie qui vise apparemment à écrire des critiques mesurées.
    Votre violence dans la critique discrédite totalement votre propos.

    Mais je n’aurais sans doute par perdu de temps à répondre à votre critique outrancière et si peu délicate (« exécution », comme le précise si bien un commentaire) si je ne vous avais lu qualifier les écrits de Christiane Singer de « spiritualité bas de gamme »…

    J’ai de la peine pour vous.

    Vu votre âge, peut-être serait-il temps de vous ouvrir à autre chose et de lire par exemple son dernier ouvrage « Derniers fragments d’un long voyage » ?
    C’est chez Albin Michel, la maison d’éditions bien connue pour sa propension à éditer des auteurs mineurs à la spiritualité bas de gamme…

    Je ne sais que vous souhaiter.
    Peut-être simplement un peu plus d’introspection, d’ouverture d’esprit et de temps passé à explorer ce que vous appelez avec mépris les « chichis du développement personnel ».

    Mais je dois vous remercier. Vous m’avez donné envie de me replonger dans les profonds et merveilleux écrits de Christiane Singer, et de relire avec délectation cette « feuille de thé à Shikoku » qui en a certaines effluves.

    Respectueusement,
    Karl Ove.

    PS : la moindre des corrections aurait été de signer votre critique. Détruire l’autre dans l’anonymat, que ce soient ses écrits ou sa personne, est véritablement indigne et lâche, et signe un manque de respect patent pour les personnes qui osent, elles, créer.

  3. pascaleBM says:

    Tout le monde sait, ici, qui est « le lorgnon mélancolique », même vous qui l’appelez de son nom!
    « Que vous n’ayez pas apprécié ce livre et que vouliez le partager, libre à vous, bien entendu »… ben non! à l’évidence!
    Il n’y a rien ici, rien, qui ressemble à ce que vous dénoncez : acharnement, fiel, violence… quant à l’argument de l’âge, alors là, chapeau pour quelqu’un qui ose dénoncer un manque d’élégance! et l’autre argument suprême pour toute valeur : le « succès », la « reconnaissance » lesquels se mesurent, bien sûr, en chiffres, en nombre de ventes de par le monde! tout est dit!
    Que vous ayez envie de défendre ce livre, libre à vous… mais, de grâce, les procès en médisance, malveillance… C’est quand même incroyable qu’on n’ait plus la possibilité de dire qu’on passe son chemin, sans se faire allumer.
    Que voulez-vous dire, au juste? que vous avez aimé ce livre? grand bien vous fasse. C’est très bien. Mais, à l’évidence, il ne vous a pas apaisé…. ni lui, ni son auteur (sans ‘e’ pour moi), ses profondeurs et ses merveilles…. vous vous comportez comme une groupie, un idolâtre, un fan. Et, pire que tout, vous tentez -c’est un peu raté- de paraître poli.
    Parlez-nous de ce livre, sans alacrité. Nous vous lirons. Et verrons bien. Mais votre procédé en dit plus long sur vous que ce que vous prétendez défendre.

  4. pascaleBM says:

    et oui, il y a de la « spiritualité bas de gamme » et des « chichis de développement personnel ». Et ça fait vendre. Et c’est insupportable. Et ça marche, du moins pour la capacité à transformer un individu lambda en affidé. Pas pour lui éviter le ridicule de tenir des propos immatures mâtinés de jugements à l’emporte-pièce.
    Oui, j’en remets une couche, parce que ça m’énerve cette manière d’inverser les choses, et valoriser l’insignifiance par des accusations ad hominem. Il fallait ou passer votre chemin, ou faire le boulot, pour démontrer les bienfaits de vos lectures.
    Pitoyable!

  5. J’aime votre critique car elle témoignage d’une déception, qui débouche sur un énervement.

    Partant de votre lecture du livre de Marie-Edith Laval, vous vouez aux gémonies ces mièvreries qui envahissent les rayonnages développement personnel et voyage de nos librairies. Je vous rejoins sur ce point. Les marchands du temple règnent.

    Si je reviens au livre sur Shikoku, ce qui m’a marqué, et c’est qui semble justement vous déranger, c’est ce côté « ravi de la crèche ».

    C’est ce qui m’a plu dans ce livre : cette capacité à s’étonner de tout, sur un ton que les esprits chagrins ou « supérieurs », appellent naïveté.

    J’aime cette naïveté, cette fraîcheur, ce regarde neuf, ravi, voire exalté sur les choses que nous découvrons.

    Je pense que cette naïveté, dont le premier sens signifie « simplicité naturelle, sans apprêt », résulte d’une véritable conversion du regard : regarder les choses, la vie, sa vie comme pour la première fois.

    “La vie possède un secret, celui du constant étonnement.” GK Chersterton.

    1. Merci Gilles pour votre commentaire. Je n’ai rien contre la naïveté, même si je pense qu’il y a différentes « qualités » de naïveté. Je préfère l’étonnement. Tout le problème est dans ce qu’on en fait, comment on la traduit, l’exprime ou la partage. Avec talent, voire génie. Ou avec la trivialité d’un simple constat, d’un procès-verbal.

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Patrick Corneau