2501« Il y avait un jour un homme, qu’on aimait dans son village parce qu’il racontait des histoires. Tous les jours il sortait de bon matin, et quand le soir il rentrait, tous les travailleurs, après avoir trimé dans les champs, s’assemblaient autour de lui et disaient: Allons! raconte. Qu’est-ce que tu as vu aujourd’hui? Il racontait: j’ai vu dans la forêt un faune qui jouait de la flûte, et qui faisait danser une ronde de petits sylvains. — Raconte encore: qu’as-tu vu? disaient les hommes. — Quand je suis arrivé au bord de la mer, j’ai vu trois sirènes, au bord des vagues, et qui peignaient avec un peigne d’or leurs cheveux verts. – Et les hommes l’aimaient parce qu’il leur racontait des histoires.
Un matin il quitta, comme tous les matins, son village – mais quand il arriva sur le bord de la mer, voici qu’il aperçut trois sirènes au bord des vagues, et qui peignaient avec un peigne d’or leurs cheveux verts. Et comme il continuait sa promenade, il vit, arrivant près du bois, un faune qui jouait de la flûte à une ronde de sylvains… Ce soir-là, quand il rentra dans son village et qu’on lui demanda comme les autres soirs: Allons! raconte. Qu’as-tu vu? Il répondit: je n’ai rien vu. »

ferli16Cette histoire est racontée par Gérard Macé dans Des livres mouillés par la mer – Pensées simples III, Gallimard, 2016.
Je laisse à chacun le soin (le plaisir imaginatif, le goût de la trouvaille, la perplexité dubitative…) d’en proposer la morale. Même si une fable sans conclusion est peut-être plus fascinante encore par l’aura de mystère qu’elle laisse planer en nos esprits…

Illustration: photographie ©Lelorgnonmélancolique.

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Patrick Corneau