10506655_10154243422569863_1252932278736171449_oferli14Un vrai lecteur, je veux dire un lecteur de « vrais livres » n’achètera jamais à l’étal d’une librairie une « nouveauté » affublée de ces ridicules étiquettes « Notre coup de cœur » (le « cœur » de qui? et pour qui?) dont on sait qu’ils sont plutôt des « coups de pub » orchestrés en sous-main par éditeurs + diffuseurs + libraires… Philippe Muray avait jadis persiflé cette ingérence détestable dans l’exquis plaisir de pouvoir butiner (serendipity) en toute liberté d’un rayon à l’autre, d’une couverture et d’un auteur à l’autre, bref jouir du bonheur sans mélange de découvrir par soi-même la perle (ou son contraire), à ses risques et périls.
En ce domaine, le suivisme (forme de servitude volontaire des cornaqués par médias, coach, etc.) est une absurdité: choisir un livre est une chose trop grave pour être confiée à n’importe qui!20150911_093218
Heureusement, on trouve des libraires comme Hélène Ignazzi qui rejettent cette pratique (ce qui ne les empêche pas de donner de judicieux conseils, de vive voix, si l’on en fait la demande).

Illustrations: Photographies de Florence M. / ©Lelorgnonmélancolique.

  1. Fr. says:

    Et 100% bravo pour ce coup de gueule.
    Cette nouvelle marotte est consternante. Le post-it aguicheur me fait désormais à peu près l’effet d’un like, c’est vous dire.
    Le soi-disant coup de coeur va du reste rarement seul, au point que parmi l’avalanche il deviendrait presque tentant de choisir l’ouvrage qui aura échappé aux coups. Garanti non buzzé.

  2. Célestine says:

    Ah…la douce serendipité, le coeur qui se confie au hasard des rencontres et à l’alchimie particulière de la flânerie littéraire…Rencontrer un vrai libraire, c’est le Graal actuellement.
    Je suis d’accord avec vous, cette pratique me fait, quant à moi, le même effet que les conseils de madame météo : mettez une petite laine, lavez-vous les mains et éteignez la lumière en sortant d’une pièce…
    ¸¸.•*¨*• ☆

  3. Breuning Liliane says:

    Merci de le dire!!!!
    D’autant plus que cette même pratique délétère s’est répandue dans les bibliothèques également. Peut-être que dans chaque bibliothécaire sommeille une libraire refoulée… Alors, qui sommeille dans le cœur des libraires??? Grave question. J’ai été caissière de librairie Broglie à Strasbourg pour ne pas la nommer, anciennement librairie Berger-Levrault, ce qui en fait la plus ancienne librairie d’Occident et dans le cœur de ces libraires, je n’ai vu sommeillé qu’un vaste ennui, de l’hébétude face aux piles à rentrer et bien peu de curiosité envers la littérature. Merci de m’avoir donné l’occasion de le dire, cher Lorgnon. Bon dimanche. Liliane Breuning

  4. Merci Liliane pour ce commentaire bien senti! Je vais dire une grossièreté, un propos abominablement élitiste: il faut faire brouter la masse dans les prés de la culture extensive (dite « culture de masse ») aussi faut-il des bergers (ou des cornacs), des chiens, tout ce monde s’agitant et donnant de la voix pour guider le troupeau vers l’herbe fraîche… 😉

  5. AL says:

    Vous avez raison, mais ma manie de la critique provoquée par mes études de sociologie m’incline à croire que finalement, peut-être que de tout petits signes, discrets…On n’a pas toujours le temps, ni l’envie réelle de flaner. D’autant que les librairies sont la plupart du temps des dispositifs trompeurs généralisés, et à chaque pas, à chaque coup d’oeil on tombe sur le mainstream, ou la fausse rareté.
    Sans parler des fois où on a envie de lire un truc tout simple, tout bête, pour ne pas passer à notre journée pourrie, notre existence délabrée, notre destin fini.

  6. FR says:

    Commentaire de commentaire:
    … Merci de FR à AL pour ces lignes tout en nuance et délicatesse: j’avais des remords, presque de la tristesse, après avoir ajouté mon bien peu créatif grain de sel.
    Vous avez tellement raison d’opposer, à « notre journée pourrie, notre existence délabrée, notre destin fini », « de tout petits signes, discrets… »
    Et merci à LM pour permettre ce échange entre invités sur le pas de sa porte!

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Patrick Corneau