micael1« Je reviens d’un circuit de six mois en Asie du Sud-Est, je me suis baladé partout sans penser au danger, mais au moment de monter dans l’avion du retour, j’entends: “Merde, j’ai pas envie de rentrer dans un pays islamiste.” C’est normal de te dire ça quand tu rentres dans ton pays? »

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« Je sais pas, mais je me dis que peut-être, cette fois-ci, je serais prêt à mettre un bulletin Marine dans l’urne. »

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« Je crois à la souveraineté du peuple français. Si elle fait que des conneries, au bout d’un an, le peuple se soulève et elle part. »

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« Sarkozy, c’est les magouilles. Hollande, je le déteste. Tous ont été nuls. Je dis: chacun sa chance. »

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« J’ai envie de te croire quand tu m’expliques que la majorité des gens ne veulent pas faire la guerre ou tuer leur prochain, mais simplement avoir une vie saine, élever leurs enfants, être heureux et aller au cinéma. J’ai envie, mais j’ai l’impression que les jeunes d’aujourd’hui ne veulent plus ça. Ils veulent se venger. »

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« C’est Taubira qui a fait sortir l’un des frères Kouachi de prison. Il avait pris sept piges, elle l’a libéré au bout d’un an. En France, 30 % des peines de prison ne sont pas exécutées, c’est énorme! La tôle ne résout rien, je suis d’accord, mais faut faire quoi? Kouachi par exemple: fallait absolument le laisser sortir? »

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« Wolinski, dans les années soixante-dix, je me souviens d’un reportage, il était interrogé sur les musulmans en France, il disait: “Tout va bien se passer, l’intégration n’est pas un problème.” C’est drôle de voir ça aujourd’hui… Personne n’a rien vu venir. Tout va très bien, madame la marquise. Le mois dernier, j’ai dit à Siné – que je connais – qu’il était un bobo de gauche, le pire de tous. »

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« Ce que les gouvernements ont réussi à endiguer en Éthiopie ou au Niger, ça revient en France: six mille excisions par an, dans nos cités ! »

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« Moi, personne ne m’a jamais dit quoi faire – surtout pas mes copines. La mère de mes enfants, à l’époque, je pouvais partir deux semaines sur les routes, je revenais: elle ne me demandait pas où j’étais allé. C’était comme ça. »

Extrait de « Choses entendues » d’Arthur Dreyfus, La Revue des Deux Mondes, juin 2015.

ferli16A lire ce texte étrange d’Arthur Dreyfus*, dont on ne sait s’il est un verbatim ou pure fiction prenant l’apparence de confidences échangées autour d’un verre, on a le sentiment de l’avoir déjà entendu autour de soi, par bribes, parfois chez des locuteurs différents mais issus du même groupe « générationnel ». Ce subterfuge – si cela en est un – permet à l’écrivain de donner la mesure et le format d’un type d’humanité ou, comme disait Georges Pérec, d’un bruit de fond d’époque qui ne se manifeste habituellement que par la bande, dans la clôture de la relation privée… Comme chez Houellebecq, à lire ces remontées d’arrière-pensées, on ne sait s’il faut en sourire ou s’en effrayer.
Le texte intégral est à télécharger ici.

*Arthur Dreyfus est écrivain, réalisateur. Il est l’auteur de La Synthèse du camphre (Gallimard, 2010) et d’Histoire de ma sexualité (Gallimard, 2014).

Illustration: dessin de Micaël.

  1. serge says:

    J’espère que personne n’est dupe. C’est une façon d’exprimer des idées personnelles en s’abritant derrière le « j’ai entendu ça ». Et tout ce qu’il a entendu est très orienté.
    Curieusement il n’a pas entendu ou pas retranscrit dans la masse des propos prononcés au comptoir du Balto : « la montée du FN me fout la trouille » ou bien « pour le retour de Sarkosy il ne faudra pas compter sur moi ».
    Ceci dit la plus grande partie de ce qu’il a entendu je l’ai dit. J’assume.

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Patrick Corneau