Dans le délicieux petit livre de choses vues (Corée, Chine, Japon) de Vincent Hein, ces savoureux portraits d’expatriés français à Hong-Kong et de touristes français en goguette – criant de vérité…

« A la table d’à côté, ce sont des Français qui vivent et travaillent ici. Les hommes sont en bermuda bleu marine, chemise vichy et pull-over de couleur pastel noué sur les épaules. Ils parlent argent et tracasseries de bureau, qui vont de la difficulté de trouver du personnel compétent à Hong Kong aux cocasseries de ce qu’ils appellent ‘le management interculturel’. Leurs épouses ont de gros seins mal contenus sous d’inélégants débardeurs et font très don-dons. Sauf la plus bavarde: les siens sont menus et pointent vers le haut, comme de petits portemanteaux d’école primaire. Elle a un avis sur tout, pousse sa voix dans les aigus et ponctue ses phrases par ‘sympa’, ‘génial’, ‘super’, ‘attends…’ et ‘c’est clair’ lorsqu’une idée la séduit. Les trois autres s’esclaffent, pouffent ou font la moue. Les rejetons sont en bout de table, à la charge d’une jeune nounou philippine qui me donne l’impression d’en baver. Ils ne sont pas vilains, non, mais comment dire… Ils ont dans le regard la mauvaise étincelle des enfants gâtés, pas prêteurs et capricieux.

(Lors du vol Hong Kong-Pékin) Dans l’avion, un groupe du quatrième âge s’offre un tour de Chine. Des anciens de France Telecom. Dès que nous nous enfonçons dans un trou d’air, les gobelets de thé et les sachets de bretzels s’envolent. Ils rient, lèvent les bras tous ensemble et poussent un long ‘Hooo-laaaa!’ L’un des trois assis derrière moi se penche par-dessus mon dossier et me dit: ‘Excusez-nous, Monsieur, mais à nos âges, vous savez, on n’a pas tous les jours l’occasion de se marrer un bon coup.’ Et puis il se rassoit et reprend en marche le dernier ‘Hooolaaaa!’ qu’il a failli manquer. »
L’arbre à singes : Carnets d’Asie
de Vincent Hein, Arléa, mai 2013.

Illustration: Nounou des Philippines avec son rejeton… Photo/Flickr.

  1. V. says:

    Pas mal !.. mais pour ce qui est de décrire cette humanité décomposée, il y a beaucoup mieux dans votre Brasileza cher Monsieur du Lorgnon. Et toc !

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Patrick Corneau