Néphélibate: qui vit dans les nuages; se dit d’une personne excessivement idéaliste, qui fuit la réalité, aussi de l’écrivain qui n’obéit pas aux règles littéraires.
Du grec nephelê (« nuage ») et batein (« marcher »), le terme a semble-t-il été inventé par Rabelais dans le Quart Livre de Pantagruel.

Parfois, certains jours ou à certaines heures, je me sens néphélibate dans l’âme…

A tous ceux à qui, dans leur enfance, on répétait sans cesse: « Tu vis dans les nuages, toujours la tête dans la lune », bienvenue au club! Nous, les distraits, les obsédés de l’Idéal, restés dans les nuages, dans la lune, nous nous pencherons sur le bord de nos mansardes célestes et regarderons ceux qui ont atterri, quelques-uns en douceur, d’autres en chute libre, sur la terrestre et râpeuse réalité.

La réalité est un lieu où tout n’est que ce qui peut être. Les nuages sont proches de l’imagination, matière étrange entre l’état solide, liquide et gazeux, idées qui volent et prennent les formes qu’il nous est loisible de leur donner.
Les hommes sont remplis de nuages et ils ne le savent pas. Leurs mots et leurs têtes ont été séquestrés par des gens sinistres dont les têtes, vissées avec des cravates, les rendent incapables de regarder le ciel.
Nous, nous respirons des mots improbables et des musiques inouïes, nous allons par le ciel parce que seul le bleu peut supporter notre poids. Gardons le secret.

* * *

« Il nous semblait toujours, à sa mère et moi, qu’il était dans les nuages (c’est pourquoi je l’ai qualifié de néphélibate), et nous avons toujours eu toutes les peines du monde à savoir s’il était content ou triste, s’il s’ennuyait ou s’amusait, et ce qu’il pensait, sentait ou voulait. » Un rasta à Berlin, Mario Vargas Llosa.

« Quel silence, quelle paix et quelle majesté! (…) Oui, tout est vanité, tout est mensonge à part ce ciel. »
(ce que le prince André Bolkonsky vaincu par l’armée française à la bataille de Borodino,  étendu au sol, se dit à lui-même dans Guerre et Paix)

Illustration: photographie ©Lelorgnonmélancolique

  1. Joël Minois says:

    Austerlitz ? et moi qui croyais que c’était pendant la campagne de Russie. Il faut que je relise mais à l’âge que j’ai le programme me paraît un peu chargé pour être mené à bout.

  2. Le beau mot que voilà. Ayant moi même le nez au ciel dès que je le peux, j’ai remarqué chez d’Henri Pourrat (pour des raisons de minuscule boulot, je plonge dans le Trésor des Contes dès que je le peux) beaucoup de descriptions du ciel et particulièrement des nuages. Avec toutes les nuances et la richesse de son vocabulaire, Pourrat nous offre, de conte en conte, un ciel toujours changeant, toujours présent, et beaucoup de nuages comme autant de témoins silencieux des agitations d’en bas.

  3. delorée says:

    Nous autres néphélibates, passons du lit au ciel et inversement en tentant d’éviter la terre. Une bonne literie garantit une vision parfaite.

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Patrick Corneau