Rien de plus revigorant pour braver les frimas et les tristesses de janvier que de consulter le Grand Alexandre.

« Tristesses de janvier

Il sera bon qu’au début de l’année, à la suite des réveillons, l’homme demande à Dieu, comme Baude­laire, la force et le courage de sup­porter son corps sans dégoût. Il y sera aidé par de légers vomitifs, des laxatifs puissants, de petites pilules pour le foie, des émollients, des lubrifiants, des détergents, et de l’eau de Vittel additionnée de pro­duits amers.
Sa femme se promènera dans tout l’appartement en agitant du papier d’Arménie enflammé, con­formément aux prescriptions du mode d’emploi, pour assainir et parfumer les pièces.
C’est ainsi que l’homme se relè­vera petit à petit.
Sa femme, au milieu de tant de soucis, ne devra pas oublier le repas du poisson rouge. Elle utili­sera les bouteilles du réveillon de la Saint-Sylvestre qui traîneront encore sous la table, dans le couloir et la salle de bains, pour laver ses dentelles précieuses. Les enrouler autour de la bouteille, tremper dans un bain savonneux et rincer dans une eau de même température légèrement sucrée (pour l’apprêt).
L’Auvergnat, bloqué par les nei­ges, s’installera derrière sa fenêtre et regardera chez le voisin.
Le navigateur, arrivé à Brisbane, remontera le fleuve entre les maré­cages sous l’œil des tristes pélicans. »
Almanach des quatre saisons, « Janvier », Alexandre Vialatte, Julliard, 1981.

Illustration: extrait de Almanach des quatre saisons.

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Patrick Corneau