De l’importance de l’art(ifice), de la fiction, du storytelling dans nos pauvres vies… Ozon est grand et son film aussi. Luchini est parfait, exact, retenu (au point d’en oublier Luchini l’espace d’un film). Le rôle lui convient comme un gant – au fond, on sent qu’il a toujours eu une vocation rentrée de prof’, un goût certain de la transmission des grand textes: de la scène à la chaire, il n’y a qu’un pas et, sur le public des « apprenants », le cabotinage (déclamatoire ou pontifiant) peut avoir aussi d’inattendus effets. Et même conduire le « maestro », piégé par son propre discours, sur un banc du parc de La Verrières…
Raconter des histoires, faire un film, cela ne va pas changer le monde certes. Mais lire, voir un film ou une exposition permet de garder les yeux ouverts. C’est déjà ça. C’est un peu comme rester debout.


Lui: Ce garçon a le don pour écrire. J’essaie juste de lui apprendre — même si le mot est pompeux — la littérature. Les choses de la vie… Les choses de la vie!…
Elle:
Mais la littérature ne nous apprend rien, tu le sais bien…

Lui: Ah bon?
Elle: Tu sais ce qu’il avait dans sa poche, le cinglé qui a tué John Lennon? L’Attrape-cœurs de Salinger. Elle lui a appris quoi, la littérature, à ce fou?
Lui: C’est évident que tes expositions sur l’art abstrait nous en apprennent davantage!
Elle: Mes expositions, c’est exactement la même chose. L’art, en général, ne sert à rien et tu le sais très bien.
Lui: Sinon à nous éveiller à la beauté des choses…

Illustration: bande-annonce du film Dans la maison de François  Ozon.

  1. Rodrigue says:

    Désolé, Monsieur Lorgnon, mais pour moi ce film est une bouze. Ozon nous assène un personnage de prof immature, manipulateur, limite pervers. (Ce qui d’ailleurs n’empèche pas Lucchini de bien jouer) Quant à l’idée que Monsieur Ozon se fait de la littérature, alors là, j’explose ! C’est s’introduire chez les gens en se faisant passer pour un ami et faire un compte rendu quotidien de ce que l’on voit par le trou de la serrure… Une négation de toute imagination ! Une saloperie morale !
    Dans le même genre de sujet pourquoi ne pas louer le film « Monsieur Lazare » (orthographe approximative) qui lui, a le mérite de montrer un professeur bon et intelligent, face à une institution éducative et une société parfaitement stupide

  2. miette says:

    merci à Rodrigue pour sa critique radicale : c’est ce qu’il faut.

    évidemment, l’artiste qui n’a rien a dire prétend que l’art ne sert à rien, à partir du moment où l’art a été déposséder de ce qui lui donne son sens alors en effet, il ne sert plus à rien..ce qui donne sens à un film c’est quoi.?.. il faut interroger l’histoire du cinéma totalement en symbiose avec l’histoire sociale, la place de l’individu dans le monde. (Godard.. encore et puis.?.) lorsque le cinéma n’est plus le cinéma….. il n’a plus les moyens de nous aider à comment dites-vous ? tenir debout ?

  3. Rodrigue says:

    Si Monsieur Lorgnon le permet qu’il me soit permit d’imaginer le sujet de la découverte de la créativité littéraire traité par Fellini, Pasollini, Bergmann, l’un des cinéastes de Dogma (finalement peut importe lequel), ou encore Raoul Ruiz. C’est la différence un auteur-réalisateur et un simple cinéaste. L’un a quelque chose à dire, l’autre quelque chose à gagner.

    1. En passant une réaction aux commentaires de miettes/Rodrigue: lorsque j’ai vu le film d’Ozon, j’ai été surpris par la composition du public: populaire (sens non péjoratif) et nombreux. Certes, il faut des Godard, des Pasolini, des Ozu – mais aussi des Ozon… 😉

  4. miette says:

    Cher Monsieur Lorgnon.
    J’ai beaucoup de respect pour vous à travers le travail que vous faites sur ce blog. mais là… je ne vous comprends pas. Que sait-on du soit-disant goût du public populaire ? et si le cinéaste se plie à ce qui est censé plaire au plus grand nombre, pour rentabiliser son affaire, il risque fortement de perdre sa veine artistique…. et puis de toutes façons le cinéma EST par essence un art populaire. Pasolini, Rosselini, Renoir, Capra, Godard au nom de qui font-ils des films à votre avis, à qui s’adressent-t-ils ?

    1. Chère Miette (quelle apostrophe!), vous m’avez très bien compris, je ne parle pas cinéma du point de vue de l’intention des créateurs, mais de la réception des œuvres. Et pour revenir à mon commentaire précédent, la semaine où j’ai vu l’honnête Ozon, je suis allé voir (aussi) l’admirable et indispensable nouvel opus d’Abbas Kiarostami: « Like someone in love », nous étions à peine 10 dans la salle…

  5. Cédric says:

    « Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid, car c’est l’expression de quelque besoin, et ceux de l’homme sont ignobles et dégoûtants, comme sa pauvre et infirme nature. » Théophile Gautier. (Extrait de la préface de Mademoiselle de Maupin)

  6. miette says:

    virulente je suis ? … 🙂
    pardon. je suis radicale c’est vrai… je ne comprends pas pourquoi le cinéma ne peut plus être populaire ET artistique… il l’a été autrefois. pourquoi ce divorce ?

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Patrick Corneau