Cash investigation sur France 2 continue d’impressionner par la rigueur et l’ampleur des enquêtes menées et des révélations faites. Le dernier numéro « Neuromarketing: votre cerveau les intéresse » (25/05 à revoir sur FranceTVPluzz) ne déroge pas à la règle. On y suit Elie Lucet et Benoît Bringer à la rencontre de spécialistes du neuromarketing, d’experts en neurosciences et d’entrepreneurs parfois peu enclins à répondre…

Pour vous frapper au porte-monnaie, les grandes marques ont une arme infaillible: choyer votre cerveau en le bombardant d’émotions positives — effluves agréables diffusés dans les restaurants, rires provoqués par les messages publicitaires, cadeaux offerts dans les menus « enfant »… Ainsi stimulé — et leurré —, le cerveau du consommateur produit de l’endorphine, l’hormone du plaisir. Et associe, dès lors, le passage en caisse à un acte procurant une sensation de bien-être.
Pratique tenue secrète, le neuromarketing s’appuie sur des technologies réservées d’ordinaire à la médecine et à la recherche scientifique. Dont l’imagerie par résonance magnétique (IRM), utilisée par de grands groupes (dont McDonald’s, mais aussi la SNCF pour son site de vente de billets en ligne, etc.) pour tester l’effet des stimulis agréables sur le cortex de clients panélisés. En France, pourtant, l’usage de l’IRM à des fins commerciales est strictement interdit par la loi.
Enquête édifiante, inquiétante et révoltante tant par le cynisme que les méthodes des marketeurs. A méditer…

Illustration: extrait de l’émission Cash investigation: « Neuromarketing: votre cerveau les intéresse », France 2. 

  1. racbouni says:

    Le fouet du Christ pour les marchands du temple ? Goulag pour les violeurs de cerveaux qui veulent s’en mettre plein les poches par n’importe quel moyen ? Est-ce que les marketeurs ne sont pas les premiers abusés par leurs propres méthodes ? Est-ce qu’un jour nous arriverons au point où les achats constitueront des réflexes pavloviens commandés de bout en bout, aussi strictement prévisibles qu’inévitables. Quelles miettes resteront de nos « libertés »?

    Toutes ces histoires d’IRM et de neuro-marketing sont extrêmement instructives, je pense que je vais moi aussi me mettre à bombarder le cortex de mes visiteurs afin qu’ils associent à la lecture des poèmes traduits une sensation de bien être, d’élévation , voire d’orgasme spirituel…

    Jean Baptiste Grenouille eût été un immense, un redoutable et convoité marketeur à notre époque !!

  2. Cher Lorgnon,

    Un décérébral-business rentable !

    Yogourts télévisuels : pleins des nutriments inessentiels pour choucroutiniser les foules. L’emballage marketing commence très tôt, là où l’enveloppe des résistances intellectuelles est encore souple. Leur slogan : « Moins la lecture s’installe, plus les gens sont serviles. »
    Je travaille actuellement sur le slogan publicitaire (Message – technique de rédaction – discours, etc.) Décortiquer les mécanismes en jeu dans les classes devrait à mon goût faire partie des programmes.
    Mes élèves ont conscience d’un certain nombre de choses (ce qui ne les empêche pas d’arborer fièrement les « Nike » qu’ils portent aux pieds – ainsi que leurs tee-shirts Adidas).

    1. Cher « Speaking Oak », vous faites un travail de salubrité publique! J’ai toujours pensé (malheureusement, je ne suis plus dans le circuit de l’éducation) qu’il fallait introduire l’enseignement de la communication (pas de la com’) dès le plus jeune âge, dès les petites classes donner aux élèves les rudiments d’une compréhension critique des techniques de publicité et du marketing… Bravo, vous êtes sur la voie juste de la formation d’un citoyen digne de ce nom. Et, par ailleurs, vous avez raison, plus la lecture s’installera, moins il y aura de temps de cerveau disponible pour la décérébration marchande. Haut les cœurs! Le « redressement productif » commence par celui des cerveaux. 🙂

  3. Axel says:

    Il est vrai que le neuromarketing sonne comme une agression des plus insidieuses dont il apparait fort difficile de se prémunir.

    Pour le moment les limites en sont d’une part le coût : « Un scanner d’IRM coûte environ 2 millions d’euros. Les entreprises peuvent aussi opter pour la location publique, il faudra compter 1500 euros par cerveau analysé, sans compter les frais d’agences. »
    Mais nul doute que ce prix va dramatiquement baisser et, qu’en outre, à partir d’un cerveau ‘type’ il sera possible de généraliser certains résultats.

    D’autre part : « le Neuromarketing repose essentiellement sur de l’interprétation d’images en stimulant une certaine zone du cerveau. Mais lorsque que c’est un micro film de l’ordre de 30 secondes qui est diffusé, on remarque que toutes les régions du cerveau sont stimulées. Même si les conclusions s’avèrent véridiques, on constate que les résultats varient beaucoup d’un individu à un autre. Il faudrait alors approfondir les études encore et encore mais cela est quasiment impossible en raison des coûts supplémentaires que doit supporter l’entreprise ».
    La technique va néanmoins s’affiner…

    Plus préoccupant même que l’utilisation du neuromarketing à des fins commerciales : le neuromarketing politique ou idéologique (promouvoir une personnalité politique ou une idéologie, ou encore une opinion, un jugement ou un parti pris) et le neuromarketing social (susciter un changement de comportement ou de mentalité).

    A quand une méthode / technique pour s’en protéger ?

    Ps :
    Déjà qu’on note avec simplement la télévision des effets parfois surprenants : « Les gros consommateurs de télévision ont des vues sur le monde qui différent assez significativement de celles des ‘petits’ consommateurs de télévision. (…) Les gros consommateurs, par exemple, tendent davantage vers la droite, vers le patriarcat et vers les valeurs capitalistes. (…) Ils voient l’homme moins intéressant, plus égoïste, et le monde plus dangereux, plus violent. » J-L Beauvois, Les influences sournoises.

    1. Merci pour ces remarques intéressantes, certaines assez inquiétantes, notamment la relation entre consommation de télévision et position politique/idéologique… J’ai remarqué à titre personnel que lorsque je ne regardais plus le « 20h », mon humeur vespérale s’en ressentait fortement…

  4. lignesbleues says:

    oui, mais fort heureusement, ces stimuli peuvent avoir l’effet inverse (fuir les senteurs artificielles par exemple, surtout lorsqu’elles servent à en masquer d’autres, dont les molécules finissent toujours par se signaler à votre sens olfactif…)

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Patrick Corneau