hmorganlettrine2.1299312388.jpgpageblanche.1299312636.jpgComment un « écrivant » devient un « écrivain »*.

« Il me vint un si fort mouvement d’écrire que je ne pouvais y résister. La violence que je me faisais pour ne le point faire me faisait malade et m’ôtait la parole. Je fus fort surprise de me trouver de cette sorte, car jamais cela ne m’était arrivé. Ce n’est pas que j’eusse rien de parti­culier à écrire: je n’avais chose au monde, pas même une idée de quoi que ce soit. C’était un simple instinct, avec une plénitude que je ne pouvais supporter. J’étais comme ces mères trop pleines de lait qui souffrent beaucoup. En prenant la plume, je ne savais pas le premier mot de ce que je voulais écrire. Je me mis à écrire sans savoir com­ment, et je trouvais que cela venait avec une impétuosité étrange. Ce qui me surprenait le plus était que cela cou­lait comme du fond et ne passait pas par la tête. »
Madame Guyon, « Torrents spirituels » in Les Opuscules spirituels de Madame J. M. B. de la Mothe Guyon, 1682.

*selon les deux modes d’approche de l’écriture décrits par Roland Barthes dans un article intitulé  »Ecrivain et Ecrivant » repris dans ses Essais critiques.

Illustration: anonyme

  1. Breuning Liliane says:

    Madame Guyon est l’une des trois héroïnes spirituelles du beau livre de Catherine Millot « La vie parfaite » (les deux autres héroïnes étant Simone Weil et Etty Hilesum) paru chez Gallimard en 2006. Voici la fin de la partie consacrée à Jeanne Guyon: « Le fond de cet état est un anéantissement profond ne trouvant rien en soi de nominable… Je reconnais que Dieu m’a fait bien des grâces, capables de sauver un monde et que peut-être j’ai tout payé d’ingratitude. Je dis peut-être car rien ne subsiste en moi ni bien ni mal. Le bien est en Dieu. Je n’ai pour partage que le rien. Tout est perdu dans l’immense, et je ne puis ni vouloir, ni penser… Je vais sans aller, sans vue, sans savoir où je vais. Je ne veux ni aller ni m’arrêter. La volonté et les intérêts sont disparus. Pauvreté, nudité est mon partage. Je n’ai ni confiance ni défiance. Enfin rien, rien… Je ne manque de rien, je ne sens de besoin sur rien. La mort, la vie, tout est égal. L’éternité, le temps, tout est éternité, tout est Dieu. » Merci, cher Lorgnon, d’avoir mentionné cette femme admirable, trop peu connue hélas.

    1. Merci à vous aussi pour ce très bel extrait. Je ne connaissais pas ce livre de Catherine Millot. Je mets à la même place dans mon admiration, l’ange sur terre que fut la sublime Etty Hillesum. Par ailleurs, il y a sur Madame Guyon le très beau livre de Françoise Mallet-Joris et sur la doctrine – très étrange – du quiétisme, un petit livre éclairant de Jean Grenier chez Calligrammes : « Ecrits sur le quiétisme » (1984).
      🙂

  2. Breuning Liliane says:

    Cher Lorgnon,
    je ne pense pas que le quiétisme soit une doctrine étrange, elle m’a toujours paru tomber sous le sens, Madame Guyon était une femme de sens, de beaucoup de sens…. J’ignorais que Jean Grenier, le cher Jean Grenier, avait « commis » un livre sur le quiétisme. Mais cela ne m’étonne qu’à moitié. Singulier personnage… Merci pour ces précieuses petites indications, merveilleuse journée à vous.

  3. gmc says:

    à rapprocher de ceci, à l’occasion

    so you want to be a writer?
    by Charles Bukowski

    if it doesn’t come bursting out of you
    in spite of everything,
    don’t do it.
    unless it comes unasked out of your
    heart and your mind and your mouth
    and your gut,
    don’t do it.
    if you have to sit for hours
    staring at your computer screen
    or hunched over your
    typewriter
    searching for words,
    don’t do it.
    if you’re doing it for money or
    fame,
    don’t do it.
    if you’re doing it because you want
    women in your bed,
    don’t do it.
    if you have to sit there and
    rewrite it again and again,
    don’t do it.
    if it’s hard work just thinking about doing it,
    don’t do it.
    if you’re trying to write like somebody
    else,
    forget about it.

    if you have to wait for it to roar out of
    you,
    then wait patiently.
    if it never does roar out of you,
    do something else.

    if you first have to read it to your wife
    or your girlfriend or your boyfriend
    or your parents or to anybody at all,
    you’re not ready.

    don’t be like so many writers,
    don’t be like so many thousands of
    people who call themselves writers,
    don’t be dull and boring and
    pretentious, don’t be consumed with self-
    love.
    the libraries of the world have
    yawned themselves to
    sleep
    over your kind.
    don’t add to that.
    don’t do it.
    unless it comes out of
    your soul like a rocket,
    unless being still would
    drive you to madness or
    suicide or murder,
    don’t do it.
    unless the sun inside you is
    burning your gut,
    don’t do it.

    when it is truly time,
    and if you have been chosen,
    it will do it by
    itself and it will keep on doing it
    until you die or it dies in you.

    there is no other way.

    and there never was.

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Patrick Corneau