hmorganlettrine2.1302815013.jpg

mrs_collapse.1302815370.jpg

Dans un livre d’Eugène Meiltz, j’ai lu que dès 1938, la Société suisse des écrivains travailla main dans la main avec le chef de la Police fédérale des étrangers pour éviter que des auteurs poursuivis par le régime nazi ne trouvent refuge en Suisse. Il fallait éviter à tout prix que les plumes étran­gères viennent concurrencer les écrivains suisses. Ainsi, Robert Musil reçut l’autorisation de rester sur le sol hel­vétique accompagné de son épouse d’origine juive, sous trois conditions :

1- ne travailler pour aucun journal ni aucune revue suisse;

2- n’accepter aucun emploi d’homme de lettres (lecteur, directeur d’édition, rédacteur, etc.);

3- renoncer à toute conférence à la radio ou en société.

Le martyre silencieux de Robert Musil dura trois ans. En 1942, on le retrouva mort d’une congestion cérébrale dans son minuscule appartement genevois mal chauffé.
La Société suisse des écrivains attendit 1998 pour présen­ter des excuses. À qui demande
E. Meiltz ?

Illustration: origine inconnue

  1. Pradoc says:

    L’autre soir sur Arte, il y avait un documentaire sur Max Frisch qui montrait que le gouvernement suisse espionnait de très nombreux de ses ressortissants, dont Frisch lui-même, sur lequel il avait un dossier qui déçut beaucoup l’auteur quand il le lut, il s’attendait à y trouver des révélations mais toutes les notes prises lui semblèrent extrêmement mesquines et petites bourgeoises.
    Comme quoi la neutralité suisse était loin d’être bienveillante…

  2. Natacha S. says:

    La honte de la croix blanche sur fond de sang, nous la portons, Suisses, même nés après guerre. Merci de cette note sur Musil.
    A propos du «fichier fédéral» auquel ont pu avoir accès, dès 1990, tous les «fichés», c’était une vaste paranoïa et des «enquêtes» menées de façon assez fantaiste, bourrées de préjugés. Il suffisait de s’affirmer de gauche pour être suivi, ou même pas. Je le fus sans doute au seul titre de journaliste. Le résultat était à pleurer! «On» me suivait à des réunions genevoises de la Ligue communiste révolutionnaire, alors que j’habitais depuis un an à Bruxelles, et que je n’avais jamais rien eu à voir avec ces mouvements.
    Le bien-aimé et extraordinaire Michel Boujut, qui vient hélas de «déserter», a fait partie de ces licenciés de la Télévision Suisse Romande, en 1971. La police fédérale et l’affaire des fiches étaient au coeur de cette affaire. Récemment, le sous-directeur de la TSR de l’époque, Bernard Béguin, a reconnu que: «Oui, nous avons pris un canon pour tuer des mouches!».
    Heureusement, Boujut a pu re-collaborer à la TSR. C’était un très grand. A lire: son dernier livre «Le jour où Gary Cooper est mort». Voir le blog de Jean-Louis Kuffer (JLK) qui lui rend hommage.
    Pardonnez-moi ce long commentaire.

Répondre à PradocAnnuler la réponse.

Patrick Corneau