le_chasseur_de_cabris_01.1289930010.jpghmorganlettrine2.1289930137.jpgEn ce début de XXIe siècle, la chasse n’a pas bonne presse. Pourquoi donc l’homme contemporain pratique-t-il encore cette activité immémoriale qui apparaît anachronique à certains? Cyrano de Bergerac, dans un texte issu de « L’Autre monde ou les États et Empires de la Lune » et paru en 1650 nous renvoyait déjà à l’éternelle question de la violence humaine. Un extrait magnifiquement lu par Elisabeth de Fontenay, philosophe, dans son émission « Vivre avec les bêtes » du dimanche après-midi sur France Inter, une belle leçon de philosophie et de politique:
« Un réquisitoire, fait au nom de la perdrix tuée à la chasse, l’auteur y présente un « plaidoyer fait devant le parlement des oiseaux » contre « un animal accusé d’être un homme ».
La partie civile qui représente la perdrix demanderesse, « arrivée du monde de la terre, la gorge encore entrouverte d’une balle de plomb » requiert contre l’homme au titre de la « République des vivants ». L’accusation comporte trois points. D’abord l’homme est présenté, en raison de ses crimes, comme dégradé de la raison et de l’immortalité que possèdent à l’inverse les oiseaux. Sa seule apparition fait immédiatement horreur aux animaux, et du reste les actes et les gestes dont il fait son propre manifestent son infériorité. « Il rit comme un fou, il pleure comme un sot, il se mouche comme un vilain, il est plumé comme un galeux, il porte la queue devant, il a dans la bouche des petits grès carrés qu’il ne songe ni à cracher ni à avaler, il joint ses mains pour prier le ciel comme s’il regrettait d’en avoir deux », il s’agenouille et « tombe sur ses gigots », bourdonne des « paroles magiques », puis « ses jambes rompues se rattachent ». Un tel animal mérite la mort, car il rompt par le sang les pactes de la mère nature, il contrevient à l’égalité qui maintient toute république: « il se rue sur nous pour nous manger », et se révèle d’autant plus « barbare » que nous lui apparaissons faibles. Le plus insensé, c’est que ce tyran des animaux n’a de cesse de se réduire lui -même et de réduire les siens à une servitude volontaire et vénale. L’homme mérite donc la mort, lui qui « ‘attribue tout joliment sur nous le droit de vie et de mort. Il nous dresse des embuscades, nous enchaîne, il nous jette en prison, il nous égorge, il nous mange, et de la puissance de tuer ceux qui sont demeurés libres, il fait un prix à la noblesse. »

Illustration: « Le chasseur de cabris marron » (Ile de la Réunion).

Répondre à joelminoisAnnuler la réponse.

Patrick Corneau