2227205782_5310dd3dbd.1242494928.jpghmorganlettrine2.1242495019.jpgGlosant sur les rapports entre images filmiques et réalité et les entorses au pacte de la représentation qui s’ensuivent parfois, Gérard Genette fait dans Codicille* cette remarque qui ne manquera pas d’intéresser la blogosphère: « On trouvera peut-être que je fais un peu trop de cas, trop souvent et trop longuement, et en y impliquant un peu trop de choses, de ce qui n’est, en principe, qu’une simple figure de style [la métalepse] ou qu’un badin tour de fiction. Mais il se trouve que notre société repose en grande part, et de plus en plus, sur la fasci­nation qu’exerce sur tous, ou presque, le passage de l’image pixellisée à la réalité vécue, du « vu à l’écran » au « rencontré en vrai », et réciproquement bien sûr: des gamins se pressent à la porte d’un stade ou d’une salle de spectacle, ou de meeting poli­tique, et vous expliquent (via un micro et une caméra) que « c’est quand même mieux de le voir en vrai qu’a la télé », mais leur plaisir de voir « en vrai » leur idole suppose (« quand même ») qu’ils l’aient d’abord vu « á la télé », qui fait les stars, et où les voici un peu médiatisés à leur tour : c’est un début. La virtua­lisation galopante de notre existence engage une sorte de méta­lepse en boucle, planétaire et réciproque, que je ne me sens pas apte à décrire davantage, mais que j’appellerais volontiers, pour résumer tout cela d’un mot-chimère, notre médialepse généralisée. La fonction des médias me semble assez bien représentée, avec un peu d’avance (1922), par ce sévère propos d’Alfred Fabre-Luce: La presse suit fidèlement l’opinion, qui elle-même reflète la presse. Deux miroirs, se réfléchissant l’un l’autre, ne montrent que le néant. »

* Fiction & Cie, Seuil, 2009.

Illustration: photographie de smif/Flickr

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Patrick Corneau