ehrensteinalbert1913ludwigmeidner.1233480100.jpgDes gens comme moi dont le centre de gravité est situé hors d’eux-mêmes, quelque part dans l’univers… Ainsi se présentait Albert Ehrenstein, écrivain irasciblement viennois, l’auteur de Tubutsch, son alter ego, figure désillusionnée déchirant avec une amertume glacée tout ce qui peut faire le tissu d’une société et la trame d’un être. Tubutsch, c’est un homme réduit à rien, à son nom, réduit à discuter avec son tire-botte parce que personne, même pas un livreur qui se trompe de porte, n’a l’envie ou l’idée de lui parler.
Ecoutez le début de ce récit extraordinaire et vous comprendrez le commentaire de Kafka: « Un si petit livre et dedans un si grand bruit. »

Nous devons les premières traductions de cet écrivain notoirement méconnu à Claude Riehl et Sibylle Muller des courageuses éditions Circé* qui le présentent comme suit: Albert Ehrenstein (1886-1950) est né à Vienne. 1900: premières publications notamment dans Die Fackel, la revue de Karl Kraus. Lecteur dans différentes maisons d’édition. 1918: à Berlin rédige le manifeste du « Parti socialiste antinational » contre la guerre et pour la révolution.1920: brouille avec Kraus. Il voyage en Chine, en Afrique du Nord et dans le proche Orient. 1932: quitte l’Allemagne pour un premier exil en Suisse. Voyages en URSS en 1934-1935. 1941: exil aux Etats-Unis où il meurt en 1950 dans un asile pour pauvres. Il laisse une œuvre considérable composée de proses, nouvelles et récits, de poésie et d’essais.
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(extraits) L’amour selon cet écorché un rien schopenhauerien: « Peu après ma naissance, je m’aperçus combien les nattes et les mollets des filles sont jolis. Je restais fidèle pour la vie à ces découvertes et impressions préhistoriques et ne négligeais jamais cette étude, même si l’élève fondamentalement mauvais que j’étais se dérobait à ces sortes d’examens qu’on nomme mariages. »
Et puis: « Elle faisait l’amour comme on se taille une tranche de pain. Tous ses mouvements avaient la précision d’une machine. »

*Tubutsch et autres nouvelles, Circé Poche, 118 pp., 9 euros.

Extrait sonore grâce à Paludes
Illustration: portrait d’Albert Ehrenstein par Ludwig Meidner (1913)

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Patrick Corneau