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Samedi dernier, très belle émission consacré par Alain Finkielkraut au poète Paul-Jean Toulet à partir de la biographie de Frédéric Martinez avec la complicité d’un connaisseur et délicat commentateur: Renaud Camus. Parmi les beaux échanges de cette conversation célébrante, j’ai retenu ce passage d’une chronique algéroise de Toulet sur la nuit gâchée par le tapage et les lampions de la fête du 14 juillet, réquisitoire qui fait du poète un précurseur-défenseur de l’in-nocence (ou non-nocence) camusienne (Renaud), à savoir ces attentions, civilités (ne pas parler plus haut que nécessaire) qui sont l’essence-même de la civilisation.

Toute allégresse a son défaut
Et se brise elle-même.
Si vous voulez que je vous aime;
Ne riez pas trop haut.

C’est à voix basse qu’on enchante
Sous la cendre d’hiver
Ce cœur, pareil au feu couvert,
Qui se consume et chante.
———– Les Contrerimes, LXIII

L’oeuvre est pleine de merveilles aussi inattendues que drôles (le fameux « pincesansririsme »). Quel écrivain n’aurait pas voulu écrire (à défaut de se l’entendre dire) la sublime réplique de Dyonise dans Le Souper interrompu: « Si seulement, vous faisiez semblant de m’aimer. Vous n’avez qu’à dire: je vous aime, le cœur suivra. Ca suit toujours, le cœur: c’est comme les chiens. »

Et puis ces vers admirables de La Fontaine entendus au cours de l’émission et sont le fil qui relie Paul-Jean Toulet à la matière incertaine de ce blog:
———————J’aime le jeu, l’amour, les livres, la musique,
———————La ville et la campagne, enfin tout; il n’est rien
———————Qui ne me soit souverain bien,
———————Jusqu’au sombre plaisir d’un cœur mélancolique?

Illustration: La nuit étoilée, le Rhône à Arles (1888), Vincent van Gogh ©Photo musée d’Orsay.

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  1. de Lucenay says:

    Hélas, pendant toute l’émission , j’avais l’impression qu’ Alain Finkelkraut, contrairement à son habitude, passait à côté de son sujet… Entamer la discussion en rappellant que Toulet était « homophobe, antisémite et mysogine… » n’était pas aller à l’essentiel mais à ce qu’il partageait avec la bourgeoisie de son temps. (il n’aimait pas non plus les socialistes) on a eu droit à l’expédition en trois phrases de ses romans, l’omission de sa correspondance, de ses voyages, des ses amitiés.
    Je crains de faire l’impasse sur le livre de M. Martinez (il y avait déja eu cette redoutable biographie en deux volumes publiée par un palois indigne) qui a répété plusieurs fois l’adjectif « 1900 » ou un équivalent. Il s’est arrêté avant d’en faire un comique troupier.
    Heureusement Renaud Camus a su faire le lien avec Tibulle et La Fontaine, mais ce n’était pas lui qui faisait l’émission.
    Par chance Finkelkraut a fort bien dit certains poèmes : cela aura peut-être suffit à certains pour découvrir P.-J. Toulet.

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Patrick Corneau