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On oublie que Descartes n’est pas seulement l’auteur de la formule célèbre selon laquelle l’homme « doit être maître et possesseur de la nature », mais aussi dans le Discours de la méthode d’une mention prophétique: « Cette vie est brève et ne souffre aucun délai ». Imposant un parallèle entre maîtrise et vitesse, domination et rapidité. Ce que les faits prouvent amplement. Il suffit par exemple d’observer l’évolution des rythmes dans nos activités. Il y aura bientôt deux cents ans, Tocqueville notait l’agitation de la démocratie moderne et de l’économie de marché, qu’il découvrait dans sa toute nouvelle ampleur, aux États-Unis. Roosevelt confirma le diagnostic: « La lenteur n’est pas dans le caractère américain ».

La tendance à l’accélération se poursuit. Prenons l’exemple des films sur une période d’une quarantaine d’années. Ils sont montés sur un rythme de plus en plus rapide. Sorti en 1968, 2001, l’Odyssée de l’espace de Kubrick frappe par sa lenteur. Celle-ci est d’ailleurs une des raisons de la fascinante puissance du film, scandé par la respiration des astronautes engoncés dans leurs combinaisons. Aujourd’hui, voyez les séries dont les épisodes ne durent pas plus de 45 minutes; ne parlons pas des clips publicitaires au rythme parfois halluciné jusqu’au vertige.farl.1221641415.JPG

Les contraintes techniques de captation de l’attention n’expliquent pas tout. Sans doute, comme l’a montré Paul Virilio* quand l’espace de représentation se rétrécit, il faut accélérer la cadence pour redonner une sensation de durée. Mais pourquoi « 3 minutes » serait-il le segment maximum pour la télévision? Depuis l’existence du zapping? Depuis que des publicitaires « cognitivistes » ont décidé que c’était le « temps de cerveau humain disponible » du téléspectateur devenu « un crétin incapable d’attention » (Fellini)? Maîtriser le temps, au contraire, c’est être capable de percevoir et d’utiliser la pluralité et la diversité des rythmes. C’est une richesse à préserver. Et c’est peut-être cela l’écologie de l’esprit.

* La vitesse de libération, Galilée, Paris, 1995.

Illustrations: photographies ©Lelorgnonmelancolique et Farl/Flickr

  1. IL en est de même pour le débit de parole ultra rapide lors des publicités à la radio:
    On vous assène des  » conditions d’utilisation de la proposition  » , qui comprennent des taux de crédit etc… avec des phrases de 40 secondes au moins, sans une virgule, sans un moment pour souffler.

  2. Voir aussi l’article éclairant du même Paul Virilio (à moins que vous ne l’ayez déjà mentionné ?) dans « Le Monde » du19-20 octobre : « Le krach actuel représente l’accident intégral par excellence ».

    Il est vrai que les Bourses « plongent » actuellement d’une manière accélérée.

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Patrick Corneau