attention2.1216627783.jpgJ’ai toujours trouvé absurde de voyager seul, par crainte d’être livré à moi-même et à mes « papillons noirs ». Sans une autre paire d’yeux, au fond je ne sais que faire de tous ces châteaux, églises et couchers de soleil sur la mer… Il m’a toujours fallu confirmer à quelqu’un combien tout cela est beau pour que je puisse l’éprouver comme tel. De même, il n’est pas rare que je souhaite une présence qui me donne l’impression de m’empêcher de me « consacrer à l’essentiel », à des choses prétendument élevées comme s’il me fallait une résistance ou une diversion pour que je puisse vivre plus intensément mon retour à mes marottes.
Le « divertissement pascalien » dans sa dimension sociale ou le goût du voyage serait-il essentiel pour bénéficier d’un surcroît d’attention, accéder à cette ascèse dont Simone Weil pensait qu’elle seule nous permet de sortir
de la « coquille » de l’existence personnelle?
« Il y a quelque chose en notre âme qui répugne à la véritable attention beaucoup plus violemment que la chair ne répugne à la fatigue, ce quelque chose est beaucoup plus proche du mal que la chair, c’est pourquoi toute les fois qu’on fait véritablement attention, on détruit du mal en soi*. »
Fonder toute la morale sur l’attention et les stratégies qui nous détournent de la posture égotiste pour focaliser notre regard vers le réel (ou autrui), le faire advenir dans une attitude d’accueil, d’hospitalité, est une idée extraordinairement riche que l’on peut continuer d’accompagner et cultiver (même si les hyperboles weiliennes nous sont existentiellement assez étrangères**).

* dans Réflexion sur le bon usage des études scolaires en vue de l’Amour de Dieu.
** « Ce sont des gens qu’on ne peut pas suivre, des héros métaphysiciens, qui marchent sur un fil de fer. » Jacques Chardonne (lettre à M. Arland, mars 1948).

Illustration: photographie de Bernard Chaze.

  1. Attention et présence à soi et aux autres (aux choses aussi) me semblent synonymes. Cette citation est à mon sens trés riche et va à l’encontres du zapping non seulement télévisuel mais aussi mental qui nous guette en permanence…

    Allez! Bon été!
    Roméo

  2. Bien sûr, moi aussi dans cette période particulière de thérapeutiques lourdes …, j’expérimente combien l’attention même, aux plus petites choses, est gratifiante et comme le dit Simone Weil « détruit du mal en soi ».
    Je suis aidée par la nécéssité de vivre au ralenti…En temps normal, il est vrai comme le constate Simone Weil : « Il y a quelque chose en notre âme qui répugne à la véritable attention beaucoup plus violemment que la chair ne répugne à la fatigue… »
    Amitié,
    Juliette

    Votre « attention » à mon blog (en toute modestie) via vos commentaires (de l’un et l’autre) est un plaisir renouvelé. Amitiés à tous les deux.

  3. Pingback:Faut pas rêver… - Le blog de Dom A. - Blog LeMonde.fr

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Patrick Corneau