star.1196515619.jpgVieillir, pardon… mûrir c’est apprendre puis accepter que l’objet de la convoitise toujours se dérobe. Mais l’attente demeure, inaltérée, pareille à l’excitation de l’enfant avant Noël. La grande illusion: croire que le désir désire ne plus désirer. On n’épuise pas le désir, on n’en guérit pas. C’est le tonneau des Danaïdes. Toujours neuf, toujours vert. Alors comment se départir d’un mauvais pli qui date du plus loin qu’on s’en souvienne? Comment renoncer à s’exalter jusqu’au vertige qui nous laissera fourbu du désarroi de trop vouloir?
Dure patience, langueur du temps où le désir infuse,
s’englue ou se consume.
S’asseoir dans l’oubli, cette fourrure de chat?

Illustration: photographie de Bartosz Dlugokecki

  1. Danalia says:

    … Dans l’oubli de la souffrance, peut-être, mais n’oublions pas de désirer toujours ; car ne plus désirer, ce serait ne plus vivre…

    Oubli de la souffrance, oui mais aussi dépassement de la violence inhérente au désir en ce qu’il a de profondément mimétique (R. Girard) pour atteindre une forme de réconciliation avec soi-même, avec le monde. Il y a là un « saut » qui relève d’un pari, d’un acte de foi ou d’une illumination (selon sa complexion, sa philosophie).

  2. mohamed says:

    A la lecture de ce texte sur le désir et le temps qui passe, j’ai songé au personnage du colonel dans le superbe livre de Gabriel Garcia Marquez, Pas de lettre pour le colonel, dont Arturo Ripstein a tiré une adaptation cinématographique remarquable.

    Dans l’état de VeraCruz, au Mexique, en 1949, un vieux colonel occupe une maison en ruine dans un village près du fleuve. Il vit avec son épouse Lola, d’origine espagnole, une femme maigre et malade. Tous les vendredis, le colonel, vêtu de son costume militaire, attend sur le quai de la gare une lettre qui doit lui annoncer le versement de la pension pour services rendus au pays lors d’une révolution en laquelle il a cru, mais qui n’a servi à rien.. Tout le monde au village, y compris sa femme, pense qu’il attend en vain. Mais le colonel refuse d’admettre la réalité. Lui et sa femme ont à peine de quoi subsister, sa femme n’a plus que la chair sur les os, mais le colonel reste confiant.

    Cette histoire est très belle. Le thème de l’attente « vaine » comme image de la vie a souvent inspiré les écrivains, ainsi (parmi d’autres): « En attendant Godot » de Samuel Beckett.

  3. « Dure patience, langueur du temps où le désir infuse… » ça me plait!

    Voir le texte de Vaclav Havel que je cite dans ma note sur l’Avent et l’attente,justement :
    http://romeojuliette.blog.lemonde.fr/2007/12/10/romeo-102-noel-le-compte-a-rebours-est-commence/

    …Faites infuser d’avantage, en ces temps de super- d’hyper- et plus encore- appel à la consommation!

    Roméo

    Bien sûr je suis en total accord avec votre billet sur « l’Avent et l’attente », appuyé sur le beau texte de V. Havel. « Apprendre à attendre » mais aussi apprendre à « ralentir » (http://lorgnonmelancolique.blog.lemonde.fr/2007/03/12/ralentir/) et apprendre la lenteur (http://lorgnonmelancolique.blog.lemonde.fr/2007/03/17/lire-lentement/) 😉

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Patrick Corneau