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Ils [les mélancoliques] se réservent toujours une place secrète, où les tempêtes de la Fortune ne peuvent atteindre. Là que l’âme se retire, pour se maintenir elle-même dans une sérénité éternelle. II faut se réserver une arrière-boutique, toute nôtre, toute franche, en laquelle nous établissons notre vraie liberté et principale retraite et solitude.

Michel de Montaigne (1533-1592), Essais, 1. 39,1580

Illustration: « Red », photographie de Rene Asmussen

Musique: « Silence« , composition de Charlie Haden interprétée par Chet Baker, Enrico Pieranunzi, Charlie Haden, Billy Higgins

  1. Danalia says:

    J’aime beaucoup l’idée de cette « arrière-boutique »… C’est tellement difficile d’être libre, en effet. Cet extrait me touche parce que je m’y reconnais parfaitement. Merci de l’avoir sorti de son écrin pour nous donner à penser…

  2. MAHO says:

    Oui.
    Nous, nous allons y allons journellement. Dans ces places connues de nous seuls.
    C’est en ces lieux que nous nous délaçons et que nous nous défaisons, en notre secrète liberté.
    C’est là que nous consentons aux « tempêtes de la Fortune », au temps qui passe, et à la mort.
    Et c’est de là seulement que nous pouvons revenir dans le monde.

  3. Danielle says:

    Votre mélancolie suscite en moi une analogie, celle de la transmission.
    De certaines facettes de la transmission.
    Et le rouge.
    Et la musique. Egalement.
    D’autres choses encore, mais peu à peu. Pas à pas.

    En écho…ce texte de Jean-Michel Maulpoix

    « Pourquoi nos ailes sont-elles ainsi cousues à l’intérieur, sous la doublure blanche de la peau ? Des ailes non pour l’envol, mais pour claudiquer ici-bas. Pour y couver longtemps l’oeuf gris de la mélancolie et l’oeuf rouge du désir. Seul le bec de la plume en crèvera la coquille. Interdits d’azur, il nous faut trouver d’autres espèces de ciels.
    As-tu jamais songé que nous avions précisément en commun ce qui semblait nous séparer ? Ce secret que chacun demeure à lui-même. Ce silence sur lequel il veille. Ce creux que rien ne peut remplir. Nous avons en partage la commune ignorance du pourquoi de notre existence. Là est notre intimité la plus stricte. Ne sachant jamais qui nous sommes, nous devons en appeler à autrui pour tenter de nous reconnaître. Où chacun sait qu’il doit mourir survient l’amour.
    Taisons-nous à présent. Ecoute un peu tomber la pluie. Ces mots gouttent sur la vitre. Ils ne cachent pas, ne montrent pas, ils brouillent un peu le paysage. Il répètent nos yeux plein de larmes. La pluie qui nous coule au-dedans. L’averse douce et intime, par où le regard s’ouvre puis se referme à la lumière. »

    Merci pour ce très beau texte. Je connaissais une belle réflexion de Jean-Michel Maulpoix sur la mélancolie (« Le septième jour de la pensée ») dans La poésie malgré tout. J’aime particulièrement « l’oeuf gris de la mélancolie et l’oeuf rouge du désir ». Je suis preneur d’autres « facettes de la transmission »… 🙂

  4. Pingback:Elden Alonso

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Patrick Corneau