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Pour bien penser, faire le noir, ne plus rien voir…

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Outre le timbre si personnel, grave et mélodieux, un peu nasal – entre basson et violoncelle – de la voix de Sacha Guitry, je suis toujours saisi par les voix françaises telles qu’on peut les entendre dans les films d’avant-guerre. La voix était alors par nature une voix chantante. Le français d’aujourd’hui se dit avec un débit rapide et plutôt monocorde (les efforts de notre chef de l’Etat pour rendre sa voix inexpressive, atone); celui d’hier était plein de couleurs, de contrastes, d’intonations inhabituelles où se mêlaient le rauque, le caverneux, le flûté, l’aigre ou le pointu. Qu’on songe à ces voix si typées des prestigieux seconds rôles de l’époque: le chevrotement de Michel Simon, la voix nasale haut placée d’Arletty, les éraillements parigots de Pauline Carton, les accents claquants et glaçants de Noël Roquevert… Exemples accomplis de ce parler un peu bizarre où l’on compensait l’absence du fameux accent tonique (une caractéristique de la langue française) par cette intonation très modulée qui donne sens aux propos énoncés. Dès qu’on se met à bien écouter, ces voix deviennent envoûtantes: le corps semble rejoindre l’idée, le chant épouser l’intellect.

Illustration: photomontage Lelorgnonmélancolique©

Illustration sonore: extrait de Pensées – Pages choisies par Sacha Guitry

  1. Danalia says:

    Oui, intéressantes remarques… Je travaille le chant et aussi la voix parlée, pour mieux chanter et trouver des harmoniques graves, établir la connection entre ma tête et mon corps. Car, c’est une partie du problème, on parle beaucoup trop avec sa tête, de nos jours, et on oublie qu’on a un corps…

  2. totem says:

    Revenant du marché à vélo, j’entendais parler des femmes africaines sur le trottoir, les voix fortes et chantantes accompagnées d’une gestuelle adéquate et expressive, elles n’ont rien perdu…On a tout a ré-apprendre.

  3. Danielle says:

    La voix est juste lorsque le silence s’installe. Plus de grincements de chaises, plus de toux, plus de froissement.
    Au-dessus de nos têtes, au-dedans de notre être, un accord, une identification…
    L’émotion.

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Patrick Corneau