C’était l’époque où, au fur et à mesure que les enfants grandissaient, on découvrait qu’ils dérangeaient. Les enfants importunaient leurs mères: leurs carrières, leurs voyages, leurs rendez-vous, leurs jeux, leurs communications téléphoniques, leur épanouissement, leur bien-être, leurs études, leur méditation, leur activité sexuelle et autres pratiques éclairées, utiles et divertissantes. Apparurent alors les premières childfree zones, résidences de standing destinées à des trentenaires décomplexés qui avouaient sans ambages ne plus pouvoir supporter la marmaille. Les enfants s’aperçurent qu’ils étaient d’imprévisibles dérogations à une position métaphysique: moralement et philosophiquement, ils n’avaient pas droit à l’existence. Tandis que leur nombre diminuait dangereusement malgré les avertissements des sociologues et démographes, ils se mirent à fuir les mères au volontarisme fougueux et aux idéaux élevés. Du sein infécond de celles-ci s’éleva alors un peuple de Narcisses obsédés par la figure du Même…

Illustration: couverture du livre de Corinne Maier, NO KID, Michalon, 2007.

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Patrick Corneau