En cherchant quelques informations sur l’énigmatique Macedonio Fernández dont j’ai parlé dans un précédent billet, j’ai ouvert la préface d’une traduction parue chez Rivages poche en 2004, Tout n’est pas veille lorsqu’on a les yeux ouverts. Titre déjà surprenant dont cet écrivain était coutumier, convaincu qu’il était de l’importance de ce premier contact du lecteur avec l’auteur; il avait d’ailleurs le projet d’un Livre de couvertures de livres avec Rámon Gόmez de la Serna… Ecrivain polyvalent, c’est-à-dire poète, romancier et philosophe, Fernández dépassait toute catégorisation. Jorge Luis Borges qui était loin d’être un esprit conventionnel reconnaissait le personnage comme « impossible à définir ». Álvaro Abόs, son seul biographe connu à ce jour, a intitulé son essai: Macedonio Fernández. La biografia imposible; pour lui, il « semble impossible […] de raconter la vie d’un homme qui n’a pas voyagé, n’a pas occupé de poste important, n’a pris part à aucune polémique tumultueuse, n’a écrit aucun best-seller, n’a remporté aucun prix et a carrément opté, à un moment de sa vie, pour l’immobilité, l’abstention, le silence et l’invisibilité. » On glane pourtant quelques faits pour le moins inattendus: né à Buenos Aires en 1874 où il meurt en 1952, des études de droit, la fondation vers 1897 d’une colonie anarchiste au Paraguay, une épouse qui lui donne quatre enfants et à la mort de laquelle il compose une élégie restée un livre célèbre (Elena Belle mort), après ce pathétique évènement, l’abandon en 1920 de sa famille pour vivre le restant de ses jours entre pensions de familles et hôtels, maisons d’amis ou de parents, publiant négligemment çà et là, mais laissant derrière lui des piles de manuscrits achevés ou non. On apprend qu’il n’attachait aucune valeur à sa parole écrite, que l’amitié était l’une de ses passions avec la guitare et la métaphysique. La préface de ce livre sur le rêve et la réalité s’ouvre sur une citation de Fernández pour le moins insolite où il se présente ainsi: « Dans son quartier, on crédite Macedonio Fernández […] d’avoir résolu le problème métaphysique dans sa totalité et ses voisins ont une telle confiance en lui que personne n’y étudie plus la métaphysique et n’en a donc plus aucune notion. »

Comme j’aurais aimé être l’un de ces heureux voisins…

  1. Tony Pirard says:

    Vivre est sentir tous moments en tout sa totalité ou nous passons et la vie s’en va ! ce n’est tant intéressant meilleur boivre l’eau de la font avec beaucoup de bruit…

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Patrick Corneau