Comme Mallarmé jugé confus par un public hâtif s’éclaire à le lire avec attention, Wittgenstein nous a prévenu: « Toutes mes phrases sont à lire lentement ». Lire Wittgenstein c’est comme découvrir qu’il y a une autre lumière: la lumière du langage. En le lisant, je me suis aperçu que je n’avais pas appris à lire. J’avais tendance à dévorer les pages au lieu de ralentir en contemplant la simple combinaison des mots, en laissant la phrase s’imbiber doucement du sens. Lire pour déchiffrer, plus que pour consommer. Pour se concentrer et pour se purifier. S’aérer le cerveau en entrant dans ce qu’il appelait « l’atmosphère poétique ». Wittgenstein écrit pour ouvrir le regard. Parfois seulement pour éclaircir un problème, le « dessiner » en le contournant avec des phrases.
Le génie fait les oreilles à sa voix. N’appelons pas obscur ce qui agace nos paresses.

Illustration: photographie de William Wasp

  1. Ah non! Vous anticipez mon prochain thème. Le titre devait être : » De la lumière en écriture. »
    On criera au plagiat!
    Mais ça ne fait rien. Je renverrai simplement à ce billet le jour venu.
    Très joli billet et si bien illustré.

  2. Je vous lirai avec grand plaisir! Je ne crois pas trop au plagiat strict dans la blogosphère, il n’y a que des lumières différentes qui éclairent les diverses facettes d’un même objet, sujet, etc. (c’est ça « l’intelligence collective », non?).
    🙂

  3. Mot passant says:

    Il en est de même pour l’atisanat. Du boulanger qui pétrit lentement sa pâte, au tailleur de pierre qui lentement découvre la forme désirée, au forgeron qui avec patience découvre peu à peu son travail.
    Notre époque à fait de la rapidité une qualité, bien à tort. II faut retrouver la lenteur, dans les gestes, dans les regards, dans les sentiments et bien sûr dans la lecture.

  4. Oui, Daniel (« Mot passant »), vous avez raison de citer l’artisanat où la « belle ouvrage » ne vaut que par le temps et l’attention, donc la lenteur, que l’artisan y a mis. Et puis, n’oublions pas Rimbaud : «La Main à Plume vaut la main à charrue».
    🙂

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Patrick Corneau