L’épiphanie approche, il est temps de parler des Rois mages, de ces voyageurs venus du fond de l’orient, attirés par ce Nouveau qui se lève à l’ouest. Ils inaugurent une forme inédite de voyage: le pèlerinage, le retour aux sources, aux lieux privilégiés. A cette occasion le mot « pèlerin » mérite d’être interrogé. En ancien français, on disait « pérégrin », d’où vient « pérégriner » mot qui contient la racine agri (« champ ») qui a donné « agriculture ». Pèlerin et pèlerinage se réfèrent donc à la terre, au lieu. Lieu merveilleux, lieu où s’origine un culte (« culture », « cultiver »…), lieu consacré. Michel Serres a justement fait remarquer que l’ère chrétienne instaure un temps nouveau où de nombreuses populations vont se déplacer et « considérer que le lieu saint, que l’ombilic de la terre, ne sera désormais plus chez eux, mais ailleurs ». Le pèlerin marche vers ailleurs, il quitte le paganisme, son ancien statut de païen (qui vient de paganus « paysan », celui qui ne cesse de cultiver son propre champ). Il va traverser les champs des autres, s’élancer en terre étrangère – généralement pour découvrir que ces lieux lointains, dits « saints », ne sont guère différents des lieux ordinaires qu’il a quittés. S’il en a la force, à son retour, il découvrira la sagesse du voyage, à savoir qu’il n’est pas d’ailleurs sur cette terre, que c’est lui qui est d’ailleurs. Qu’il n’est pas d’ici-bas, qu’il est un être de passage, perpétuellement exilé, en proie à la nostalgie d’un ailleurs absolu qui lui fait lever la tête vers les étoiles, saisir son bâton et se mettre en marche.

A tous les lecteurs du Lorgnon mélancolique,
je souhaite en 2007 de très belles pérégrinations

Illustration: dessin de Miguel de Lalor Imbiriba .

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Patrick Corneau