Einstein, Freud.
Deux découvreurs repoussent les limites de notre univers dans les dimensions de « l’inquiétante étrangeté ». L’un installe aux extrêmes de l’espace une cosmologie de pur somnambulisme au regard de l’humaine logique; l’autre fait imploser notre si précieuse et si flatteuse intériorité en une poussière de pulsions physiologiquement et génétiquement programmées.
Combien de siècles faudra-t-il à notre narcissisme constitutif pour digérer cette volée de vexations?

Illustration: montage photographique Le Lorgnon mélancolique

  1. Non, mais la « substantifique moëlle » d’un article paru naguère, pièce d’un livre en chantier, dont voici l’argumentaire (pardon pour le style quelque peu « universitaire »):
    « En élargissant le concept de l’immunité biologique à son acception mentale et psychodynamique, on trouve une toile de fond devant laquelle la légende fameuse de Sigmund Freud sur les trois vexations infligées par la science à l’humanité (Copernic, Darwin et la psychanalyse) peut faire l’objet d’une nouvelle lecture. L’histoire des sciences modernes peut, en effet, être interprétée comme un processus de vexations progressives conduisant au démantèlement inéluctable du narcissisme anthropologique, avec ses illusions sur le centre et la souveraineté. A partir de là, on peut émettre l’hypothèse psycho-historique selon laquelle la civilisation est l’histoire du recadrage des narcissismes à travers des cycles de vexations et de régénérations des systèmes immunitaires mentaux. Tout semble plaider en faveur d’une vexation relevant de l’équivalence entre l’homme et la machine dont la construction apparaît comme le vecteur moderne de libération des anciennes sujétions (la nature et la Grâce) pour acquérir pouvoir, puissance et liberté. Ceci nous conduit à une inversion de notre supposition initiale : en deçà de toutes les vexations infligées par la machine, on trouve la satisfaction insurmontable que donne la faculté de pouvoir les fabriquer. On voit alors se développer une complicité aussi ambivalente que porteuse de violence entre des offenseurs détenteurs de facultés cognitives éminentes et des majorités passives offensées. Le malaise qui s’en suit oblige à une révision de l’ontologie techno-scientifique dominante. Celle-ci doit libérer, selon nous, une puissante idée de l’éducation ouvrant la possibilité d’un compromis historique entre le machinisme comme chance humaine supérieure et un personnalisme rendu à sa dignité par la conscience de sa vulnérabilité. C’est à cette condition que le désenchantement, qui corrige l’utopie, renforcera ce qui la fonde : l’espérance. »

  2. gmc says:

    il suffit d’une demie-seconde de lucidité pour sortir de l’aliénation mentale.
    reste donc à trouver le temps de se ménager un espace dans ces plannings de déments pour exercer cette demie-seconde.

    le « savoir » (ou science) humain est très limité en fait, car fondé sur d’aimables bricolages, voire sur rien; il est facile d’en faire le tour en deux minutes, voici comment:

    – aucun physicien ne sait ce qu’est la matière.
    – aucun biologiste ne sait ce qu’est la vie.
    – aucun psychologue ne sait ce qu’est la conscience.
    – aucun philosophe ne sait ce qu’est le sujet.
    – aucun anthropologue n’est capable de dire comment est apparu homo sapiens sapiens et son neo-cortex il y a seulement 35 000 ans (tout en prétendant sans preuves que des fossiles de 4 à 6 millions d’années sont ses ancêtres…!!).

    etc
    etc
    dans toutes les disciplines

    retour à « je sais que je ne sais rien », pas vraiment une nouveauté, « je ne sais pas qui je suis » hormis un faisceau de croyances construites par l’activité frénétique d’un phénomène mécanique appelé pensée, et retour au constat qu’il n’existe aucune différence ontologique entre l’homme du néolithique et celui d’aujourd’hui.
    une dernière petite touche en ce qui concerne l’existence du temps: le temps est-il autre chose que le mouvement de la pensée? en-dehors de ce mouvement existe-il une réalité nommée temps?

    avec ceci, n’importe qui ou presque peut sortir de l’aliénation narcissique, il reste juste après à « vouloir ne pas vouloir » (heidegger/aarendt), ce qui n’est pas non plus une mince affaire, tout comme « entrer dans l’acceptation » d’ailleurs.

    en ce qui vous concerne, regardez votre positionnement devant cette série d’affirmations et vous saurez si une demie-seconde peut vous suffire ou bien si plusieurs siècles vous seront nécessaires…;-)

  3. gmc says:

    petite omission:
    « les contraires sont semblables » (nils bohr)

    avec ceci, tout discours théorique meurt d’entrée de jeu, retour à la réalité brute.

  4. Lorgnon mélancolique says:

    Quand je dis « notre narcissisme » c’est celui de l’humanité lente et tâtonnante dans les dédales du temps et d’une supposée évolution… Concernant mon « positionnement », difficile de dire ce qu’il en est car ce serait évaluer mon niveau de « sagesse », et ce serait impudence (ou démence) que de le faire.
    Retournons donc « à la réalité brute »!
    😉

  5. gmc says:

    « notre narcissisme » n’est qu’un dérivé édulcorant de « mon narcissisme »; que vous n’évoquiez pas votre positionnement n’empêche pas la pensée d’en créer une représentation (indifféremment de votre vouloir ou non-vouloir). et s’il fallait aller au bout du tragique, l’humanité lente et tatonnante n’est aussi qu’une représentation créée par la pensée et son mouvement incessant de comparaison.
    excusez le dérangement, retour au monde brutal de la poésie!

    PSYCHOMURDER

    La pensée dans sa déserrance
    Ouvre le chant à la présence

    Arôme d’illumination
    Parfum des hallucinations

    Flux des créations ordinaires
    Blonde joie de l’outre-matière

    Les yeux vivaces du feu blanc
    S’enivrent de mille tourments

    Torture exquise de douceur
    Des embaumés de la chaleur

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Patrick Corneau