Une notion catastrophique émerge au XVIIIe siècle, le sublime. Le sublime se donne comme alternative à la sensibilité et à la vie même. A l’homme il suggère que l’homme peut se dépasser, et bien évidemment l’homme ne demande pas mieux que d’y croire. Avec le sublime sont introduits dans l’histoire le tonnerre, l’éclair, la tempête, la mer déchaînée (Sturm und Drang), références dangereuses. L’individu devient fétu de paille tandis que les meneurs d’hommes se taillent d’imposantes statues. Robespierre et saint Just donnent le sentiment d’une angoissante jouissance. Belle postérité jusqu’aux procès de Moscou. Joyce qui reconnaît l’histoire comme un cauchemar, rejoint la sagesse anglaise: « no sturm, no drang. »
Après avoir été sublimé dans les hauteurs de l’idéal tant pictural que politique, le sublime est soudain retombé dans le quotidien de nos vies désunies où les mass media nous le donnent à voir comme autant de vagues effrayantes qui viennent corroder, décevoir l’optimisme hier encore éclatant de notre modernité. Spectacles « monstrueux » mais attendus, désirés si ce n’est maladivement recherchés, de ces machines à capter les consciences que sont les films hollywoodiens, de nos journaux télévisés au sujet desquels Peter Sloterdijk observe avec une lucidité non dénuée de cruauté: « La rumination des catastrophes possibles est le socialisme esthétique d’un monde désagrégé, l’ultime ciment qui le fait ‘tenir’. L’usage politique du sublime effrayant produit la synthèse sociale. »

 

Illustration: Shade and Darkness – the Evening of the Deluge, William Turner, 1843, Tate Gallery, London.

  1. gmc says:

    ATMOSPHERE DU SUBLIME

    L’histoire du sublime est celle de la douceur écartelant les mondes fictifs pour laisser respirer la lumière. Le sublime s’inscrit en creux dans les mémoires atrophiées par les surchages pondérales des environnements maritimes, il resplendit d’ordinaire dans l’étreinte hivernale, il imprègne d’un filament de son émouvant l’attendrie qui se donne. La cruauté du sublime s’appelle caresses et frissons de joie, langoureux baisers du parfum des lilas blancs, saveur torrentielle d’une pluie de pétales translucides. Le sublime est affranchissement dans la soumission et l’esclavage, immobilité souveraine des mouvements de volupté, catatonique apoplexie de l’agitation névropathe des désirs. Dans la soie du velours, le sublime tisse des perles de monade à ses amazones fidèles, leur offrant des joyaux de luxure anéantie et des embruns satinés d’innocente arrogance.

  2. Hs says:

    Le sublime est peut être le dernier chainon qui relient les aspirations idéalistes et matérialistes qu’elle qu’elles soient, car autant il est pour les religieux symbole de puissance suprême comme le soulignait Dante lorsqu’il comparait le sourire de Béatrice à une foudre qui fracasserait par sa beauté l’esprit humain tel un rameau prit dans un tempête, autant il prend forme dans la vision nietzschéenne comme dernière métamorphose de l’homme qui est arrivé à bout de tant les mystères et de tant d’énigmes mais qui pourtant garde un aspect sombre.Et le fait qu’il soit employé dans les mass médias n’est peut être dû qu’au fait qu’il est bon argument de vente?!Au final il appartient à chacun de faire le tri entre bonne et mauvaise représentation.

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Patrick Corneau